Editeur : Dupuis
Au départ, ce projet a été réalisé dans le cadre d’une lecture en ligne, avant d’être récupéré au format livre par les éditions Dupuis. Il est toujours possible de s’abonner sur http://www.lesautresgens.com pour lire la suite en ligne.
Autour d’un scénario feuilletonnesque de Thomas Cadène*, plusieurs talents reconnus de la “génération blogs” (Bastien Vivès, Bandini, Chloé Cruchaudet, The Black Frog, Alexandre Franc, Manuele Fior…) se relayent pour mettre en images une tranche de vie de destins fictifs amenés à se croiser. Malgré les différences de graphismes, la lecture est le plus souvent fluide, chaque chapitre prenant le soin de redéfinir les personnages dans un "album photo" propre au dessinateur.
Paris. Mathilde, jolie brunette, étudiante universitaire, gagne le pactole à la loterie (je résume, c’est amené de manière un peu plus intéressante que ça). Elle tente de cacher cet énorme bouleversement le plus longtemps possible à ses amis et sa famille. Mais son nouveau train de vie rend son secret plus difficile à cacher à certains, puis à d’autres. Pas forcément les plus proches d’elle à la base, d’ailleurs… ce qui va évidemment engendrer quelques quiproquos. D’autant que Mathilde ne se contente pas de dépenser ou d’arrêter des études choisies par contrainte, mais allie errances existentielle et sexuelle.
Le premier (épais) volume prend le temps de nous faire sentir les aléas liés à la possession soudaine d’une fortune et présente ce qui lie chacun des protagonistes entre eux. La galerie est diversifiée en caractères… et majoritairement composée de personnes vivant une situation de crise : Camille vit difficilement son célibat et la distance de sa meilleure amie ; Manu commence à saturer d’être “sérieux” et platoniquement amoureux de Mathilde ; Arnaud tombe toutes les filles qu’il désire mais cette grande gueule galère dans les études ; le frère homosexuel de droite est en conflit avec le pater familias de gauche; etc. etc. On se demande où cette amorce de plus de 200 pages va nous mener.
Or, au second volume (tout aussi épais), la relative bonne idée de départ semble persévérer dans l’étirement en longueur façon soap opéra pseudo-réaliste/voyeuriste assez vain. Techniquement bien construit pour inciter à lire la suite, l’imagination fait cruellement défaut à ce récit. Quelques personnages dignes d’intérêt (comme ce père dépressif qui ne peut s’empêcher d’asséner ses discours idéalistes d’antan tournés aigre) et leurs liaisons à la dérive ne suffiront pas à marquer les esprits. Et des très bons dessinateurs-participants, on préfèrera découvrir d’autres récits, quand ce n’est déjà fait*.
Beaucoup de papier pour ne pas être vite lu mais, en ce qui me concerne, je pense que Les autres gens sera vite oublié, à moins d’un retournement et d’un dénouement exceptionnels.
Chronique par Jean Alinea
* Retrouvez nos chroniques d’ouvrages de certains d’entre eux :
- Thomas Cadène : Sextape
- Alexandre Franc : Macula Brocoli
- Bandini : Face contre ciel
- Bastien Vivès :