Editeur : Atrabile

Pas besoin d’être un fana de science-fiction pour apprécier Lupus: Frederik Peeters utilise le prétexte d’un univers imaginaire pour mettre l’humain au premier plan. Ici, pas de techno-langages, ni de failles spatio-temporelles ou autres sabres lasers.

Lupus ne laissera personne indifférent et reste à mon sens à l’une des meilleures séries de ces dernières années. Par contre, si je ne veux rien divulguer, je me dois d’avertir le lecteur amateur d’action et de retournements de situation qu’il risque d’être déçu dès le volume 3. Les deux premiers tomes totalement trépidants ne laissaient pas présager cette suite-là : les volumes 3 et 4 limitent les rebondissements et nous entraînent vers une méditation profondément existentielle sur la marginalisation, les valeurs, la relation, l’univers, la mort, l’amitié, l’amour ou encore la naissance et la vie.
C’est mélancolique, parfois abstrait, mais surtout… fort. La référence au Solaris du cinéaste Tarkowski est évidente, mais c'est - fort heureusement - moins hermétique. La science-fiction est tant reléguée à l’arrière-plan dans Lupus que j'ose même faire le rapprochement avec Le combat ordinaire de Larcenet (en lire les chroniques ici et là).

Seul bémol : un dénouement un peu trop ouvert pour ne pas laisser un très léger goût de trop peu.
Sur le plan graphique, c’est irréprochable (sauf peut-être les dessins de bébé). Le semi-réalisme sensible de Frederik Peeters semble se situer quelque part entre du Christophe Blain, du Will Eisner et une pointe d’influence manga. Une colorisation de Lupus me paraîtrait inconcevable tant l’auteur joue avec la force des blancs, des noirs, des équilibres entre dessins et vides, comme d’autres savent quand le silence est nécessaire en musique. La narration, les expressions et les atmosphères sont traitées de telle sorte qu’elles ne peuvent que susciter auprès le lecteur les émotions que ressentent les personnages.
Splendide.
Chronique par Joachim Regout