BD : Pas de pitié pour les indiens

Après la fable de L’ogre amoureux, où Nicolas Dumontheuil démontrait une fois encore sa maîtrise de l’intrigue rocambolesque et de l’humour absurde, poussant toujours plus loin les limites de son imagination… on le retrouve ici, tout au contraire, dans un registre beaucoup plus sobre, puisqu’il s’agit d’une fiction très librement inspirée de ses souvenirs d’enfance. N'allez pas croire que le ton s'en retrouve beaucoup moins déjanté pour autant.

Pas de pitié pour les indiens (édité par Futuropolis) se raconte au travers de yeux de Jean, garçon de 8 ans en 1976, qui vit dans un village de campagne (au Sud-Ouest de la France) avec ses parents plutôt "baba cool". Son papa est instituteur, également impliqué dans des rassemblements de solidarité citoyenne. Il est bien évidemment en première ligne pour observer la complexité d’une diversification de population au sein d'un village aux apparences paisibles : hippies et immigrés arabes s'y mêlent aux traditionnels chasseurs, agriculteurs, curé… Il y a ici un volet social, puisque l'immigration, le racisme, les blessures laissées par la guerre d’Algérie, la responsabilité civile sont des thèmes abordés, mais toujours au travers du regard enfantin. Le petit côté Lucky Luke du dessin souligne cette vision d'un monde adulte très caricatural.

Les amis de Jean sont Titi et Jules, avec qui il aime jouer aux cowboys et indiens, faire exploser des bouses de vache et être les auteurs d’autres farces improvisées… sauf qu’avec l'une de ces dernières, ils porteront leur part de responsabilité dans la mort d’un fermier. Entre l’angoisse d’être dénoncés pour leur méfait, leurs jeux insouciants et les premiers émois amoureux, la vie suit son cours, avec ses hauts, ses bas, ses surprises, l’apprentissage des limites et des interdits. L’album est d’ailleurs scindé en chapitres, présentant une suite d’anecdotes cocasses liées entre elles.

Pour la première fois, on découvre Dumontheuil tout aussi personnel sans qu’il ait recours au genre absurde. Bien que… la vie quotidienne n’en regorge-t-elle pas plein, de situations absurdes, en fait ?

Amusant et attachant, même si ma préférence va à ses réussites les plus débridées que sont Qui a tué l’idiot ? (l'ouvrage qui l'a fait connaître, en 1996, chez Casterman), Le Singe et… (2 tomes, parus chez Casterman),  Big Foot (3 tomes, chez Futuropolis) ou encore L’Ogre amoureux.

Chronique par Joachim Regout

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