BD : Femme sauvage

Le dessin de Tom Tirabosco nous séduit depuis la parution de son Colporteur (chez Delcourt, en 1999). C’est donc un plaisir sans cesse renouvelé d’entamer une de ses nouvelles publications, même si toutes ne nous ont pas convaincues sur le plan scénaristique. Je vous invite à lire nos chroniques à propos de Sous-sols et Kongo, même si, à titre personnel, je vous recommanderais surtout le thriller fantastique L’Oeil de la forêt (en solo, chez Casterman) et La fin du monde, dont l’histoire, signée Wazem, traitait de la mort et du deuil de façon très onirique.

Femme sauvage poursuit la bibliographie de Tirabosco aux éditions Futuropolis sur un thème grave, qui inquiète beaucoup d’entre nous : l’imminence d’une possible collapsologie. Dès les premières pages, nous voilà téléportés dans notre monde qui aurait sombré dans le chaos, déchiré entre les dérèglements climatiques exponentiels et les soubressauts violemment répressifs d’un régime ultralibéral et ultrasécuritaire. 

Dans les USA en proie à la guerre civile, une jeune femme s’enfonce dans les grands espaces naturels en direction du Nord, où se serait rassemblée une Résistance organisée. En suivant son périple, des flashbacks et une " voix off" nous apprendront par bribes un peu plus sur l’héroïne, ses réflexions existentielles et ses blessures. Ce récit réussit l’équilibre entre le réalisme survivaliste et un peu de fantastique, venant métaphoriquement appuyer un retour à la vie sauvage (je n'en dirai pas plus). Sujet oblige, on sent le dessinateur s’émanciper encore davantage de son trait “jeunesse”.

Le suspense et l’émotion sont là, la philosophie de Thoreau est palpable, les pages visuellement sublimes se succèdent jusqu’à la fin…  et pourtant… nous aurions - pour une fois - préféré fermer un livre avec la mention “à suivre…” (à la page 202 exactement) et attendre son développement plus original au tome suivant. Les seuls défauts de Femme sauvage sont son dénouement, qui a des airs de déjà-vu, et le fait de ne pas être paru il y a 20 ans d’ici. En effet, depuis lors il y a eu La Route de Cormac McCarthy (et son adaptation cinématographique) ou encore les BD Coup de Sang d’Enki Bilal (Animal'z, Julia et Roem, La couleur de l'air), Le Reste du Monde de Jean-Christophe Chauzy, The End de Zep... pour ne citer que quelques exemples.

Mais qui sait ? Peut-être que Tom Tirabosco nous prépare un autre album ? Peut-être s’intitulera-t-il Homme sauvage ? Peut-être qu’il rendrait le diptyque incontournable ? La fin ouverte ne l’exclut pas. (Et oui, c’est une perche un peu culottée de lecteurs que nous nous permettons de tendre à l’auteur.)


Chronique collective de la rédaction Asteline