Nouveautés BD - Septembre 2019

Nos lectures BD de la rentrée littéraire (partie 1) ? Plutôt bonnes, et même un coup de coeur... dont on vous montre une image ci-dessus et dont on vous parle beaucoup plus bas sur cette page.
 

Mais commençons par L'Argentine, le nouvel Andreas, qui s’inscrit dans sa volonté de produire uniquement des "one-shots" après des années à développer les univers complexes de Capricorne (20 tomes au Lombard !!!) et de Arq (18 tomes chez Delcourt !!!). Nouveau changement d'éditeur (Futuropolis), retour à une relative sobriété narrative, à un dessin plus épuré (pli que prend également sa coloriste Isa Cochet) et à une atmosphère plus polar…  sans délaisser son goût pour l’étrange, les manigances de pouvoir et les expériences occultes de labos scientifiques. 

Le rapt en France d'une adolescente, sa séquestration en Argentine, sa fuite et son retour au bercail n’auront duré que 48 heures, ce qui laisse tout le monde perplexe. La fille a comme parents un puissant et véreux conseiller politique et une mère qui n'est jamais sortie du coma depuis sa naissance... ce qui aura bien entendu son importance dans l'histoire, mais on ne vous en dira pas plus.
 
Dans un tout autre genre, Visa Transit est le premier volume (déjà 136 pages tout de même) relatant un périple marquant de la jeunesse de Nicolas de Crécy lui-même : un voyage improvisé avec son cousin, dans une vieille Citroën toute pourrie, en direction de la Turquie, traversant l’Italie et l’Europe de l’Est. 


C'est inhabituel de lire le dessinateur du Bibendum Céleste ou  Salvatore dans un registre si autobiographique et "réaliste", même s’il laisse la mémoire avoir ses déformations légitimes et son imagination inviter le poète Henri Michaux (une de ses influences, à l’époque) pour une conversation hallucinante. L'intérêt de cette road-BD est de resituer un contexte géopolitique qui n’existe plus, entremêlé de souvenirs cocasses, le tout servi par ce trait tremblé et virtuose.
Paru chez Gallimard.



Bijou est quant à lui le fruit de la collaboration entre Jacques de Loustal (un des dessinateurs vétérans du magazine (A Suivre)) et Fred Bernard (Jeanne Picquigny, Himalaya Vaudou…). Ce dernier signe ici un scénario où l'on suit les péripéties tantôt amusantes, loufoques, tantôt tragiques d’un diamant, depuis son extraction de la mine en 1903 jusqu'au cou de la jeune femme qui le porte aujourd’hui. 

Entre anecdotes imaginaires et rappels de certains événements historiques que traversent le précieux objet et les personnages, cet ouvrage offre une méditation poétique sur l'écoulement du temps et la valeur très subjective attribuée aux choses. C’est Casterman qui publie ce livre entre BD et illustration. 



A noter que cet éditeur publie également Voltaire, le culte de l’ironie par Richelle et Beuriot. Ce duo, à qui on devait la série Amours Fragiles, dresse un portrait intéressant, non-manichéen de cette figure incontournable (et controversée) des Lumières. L’intérêt historique, les dessins et couleurs aux aquarelles sont les points forts,  avec toutefois quelques éléments qui nuisent à la fluidité de lecture :  la ressemblance de certains personnages entre eux ou la difficulté à distinguer les époques de vie dont traitent les séquences. On s’y perd par moments.

De plaisantes parutions donc, mais qui ne sont sans doute pas ce que chacun de ces auteurs ont apporté de plus marquant dans leurs biographies respectives.
 

En revanche, coup de coeur du mois pour #NOUVEAUCONTACT_ par Bruno Duhamel et édité par Bamboo dans sa collection Grand Angle, qui avait déjà publié deux autres one-shots de l’auteur : Le Retour et Jamais. Ce récit-ci est probablement le plus déjanté, sans être un délire gratuit : on sent en filigrane tour à tour l'inquiétude, la moquerie et le coup de gueule envers les dérives des réseaux sociaux (et autres bribes de connerie humaine au passage). 


Partant du fait divers notoire du "Broccoli Tree" - arbre ayant fait les frais du succès sur Instagram des clichés que le photographe Patrick Svedberg avait faits de lui -, Duhamel imagine un autre cas, qui pourrait sembler abracadabrant. 

Il plante son personnage principal, Doug, un artiste-ermite bougon reclus dans les Highlands. Un jour, lors d'un shooting photo au bord du Loch, son appareil se déclenche au moment-même où surgit des profondeurs une énorme créature translucide, inconnue, pacifique… qui replonge aussitôt. C’est à chaud, en état de choc, que notre anti-héros solitaire se décide de changer ses habitudes en partageant ses clichés sur un réseau social… entraînant un buzz public et médiatique qui mettra à mal ses nerfs et son self-control d'écorché-vif… Ce qui engendrera d’autres complications !
 

Mention aussi pour Ma leçon de BD par Franquin, qui intéressera les dessinateurs en herbe, les professeurs de dessin ou encore les aficionados du grand André bien sûr. Il s’agit "juste" de pages comportant des remarques et corrections croquées qu’un génie de la bande dessinée a adressées à un jeune dessinateur encore maladroit dans les années 1970 (Roger Brunel, qui se fera connaître plus tard comme pasticheur). Ca se savoure avec émotion.