Un bien étrange bonhomme que ce Lazare Bruandet
(1755-1804),
peintre paysagiste oublié, sanguin, porté sur la bouteille et prêt
à en
découdre avec son épée à la moindre occasion.
Frantz Duchazeau, que je connaissais
essentiellement pour
les excellents Les Cinq Conteurs de Bagdad et Dieu qui pue
Dieu qui pète, a choisi de nous conter une tranche bien précise
de la
vie tumultueuse de Bruandet. Lors d'un accès de rage et de
jalousie il
défenestre sa concubine et fuit le Paris qui vient de "raccourcir l'cochon"
Louis XVI.
Il se réfugie dans la campagne et la forêt de
Fontainebleau.
C'est là que le talent et l'imagination de Duchazeau comblent les
vides
biographiques de Lazare. Le fuyard est hébergé dans un prieuré et
prend ses
habitudes dans un petit village des alentours. Son désir principal
est de
peindre, toujours peindre la nature, le plus fidèlement possible.
Mais les
temps sont violents. Voleurs, milices et soldats se livrent à des
exactions, aussi
villageois et moines ne demandent qu'à être aidés, ce que tente de
faire notre
peintre en cavale.
Dans un style semi-réaliste, Duchazeau alterne
les moments
d'action purs, les planches muettes et contemplatives, et les
parties dialoguées,
donnant du rythme à la narration. Il parvient à nous intéresser à
ce "héros"
mal aimable, rugueux, torturé, dans cette BD plastiquement superbe.
C'est
vivifiant de ne pas avoir voulu à tout prix en faire un être
attachant et
politiquement correct ! 
