Alors que quasi
simultanément paraît Titeuf 20 ans… et toujours à l’école, une
rétrospective des aventures du garnement bien connu*, Zep propose un
roman graphique de la maturité, destiné à un public plus ciblé, plus
adulte. Dans un style évidemment différent, que ce soit sur le plan
narratif ou sur celui du dessin, Une histoire d’hommes aborde la remise
en question lucide (ou pas) de la fin de trentaine. Celle d’une bande de
copains unis un temps autour de la musique, séparés ensuite par leurs
destins respectifs, flamboyants ou médiocres, et qui se retrouvent pour
un weekend. Durée nécessaire pour guérir les blessures du passé et
éclairer les zones d’ombre ?
Les hommes en question, ce sont
Franck, JB, Yvan et Sandro. Les trois premiers vont rejoindre le dernier
dans sa demeure anglaise, où il réside depuis qu’il est devenu une star
du rock. Des souvenirs qui affluent, on les revoit tous les quatre,
bien des années plus tôt, rassemblés dans la formation prometteuse The
Tricky FIngers.
À cause d’un mauvais trip de Franck au LSD, leur
occasion de percer à Londres lors d’une émission de la BBC s’en était
vue anéantie. Sandro, le chanteur, avait alors décidé de faire carrière
solo.
Si Franck reste un balourd dragueur de seconde zone, si JB
s’est consacré au commerce des surgelés, tous deux continuent pourtant à
garder du temps pour la musique, là où Yvan, dépressif et renfermé, a
remisé sa guitare au placard depuis des années. Et les retrouvailles
avec Sandro, mêlées de réticence, de joie, de malaise, auront tôt fait
de remettre à jour les vieilles querelles d’hier…
On sent, dans
cet album, la tendresse envers les amitiés de jeunesse, amitiés
masculines, avec leurs difficultés de cohabitations d’ego, avec leurs
errances, leurs empoignades et leurs forces. S’y dessine, à travers le
prisme de l’évolution d’un groupe musical, les choix de vie souvent liés
à un petit basculement, à une tragédie intime faisant exploser l’ordre
établi jusque là.
Si le thème abordé n’est pas forcément neuf,
Zep y apporte une dimension touchante, ce qui aide à faire passer les
quelques clichés et autres remarquables ficelles affaiblissant
l’histoire (dévoilements incroyables, évolutions psychologiques, prises
de conscience, oui… mais tout ça le temps d’un weekend ?). Un peu
caricatural donc, mais bien mené et suffisamment sensible pour que cette
histoire d’hommes soit plutôt plaisante à lire…