Auteur : Baru
Editeur : Casterman
Noir est l’amalgame, au format Manga-Casterman, de deux œuvres de Baru, toutes deux réalisées en 1996.
Le premier récit, Bonne année, réalisé dans la foulée du superbe L’autoroute du soleil, était déjà paru en grand format, mais en version plus courte. Baru y donne libre cours à sa phobie de l’extrême-droite lepéniste dans un récit tendre et violent, une politique-fiction qui radicalise les visions ultra-policières de Le Pen… plus ou moins concrétisées par Sarkozy.
Paris 2016. Les banlieues ont été transformées en ghettos encerclés de murs de béton et de miradors. A l’intérieur, le sida terrorise la jeunesse d’autant plus que les préservatifs ne sont en vente libre qu’à l’extérieur du mur. En ce soir de nouvel an, certains sont prêts à tout pour s’envoyer en l’air – quitte à risquer de finir six pieds sous terre…
Récit militant, Bonne Année pèche un peu par excès. Trop de personnages, dont aucun n’accroche véritablement l’attention du lecteur, donne une impression de fouillis. Deux des personnages sont les jumeaux des protagonistes de L'Autoroute du Soleil, signe de la tendance qu’a Baru à revisiter ses propres œuvres*.
Le second récit, Balade irlandaise, version moderne et relativement optimiste du mythe de Roméo et Juliette, convainc plus. Belfast, aujourd’hui (ou hier, ou demain). Un rocker protestant revient sur la terre qui l’a vu naître et que le succès l’avait aidé à fuir. Les vieilles haines sont toujours aussi brûlantes, et plus d’un catholique rêverait de l’envoyer au paradis des protestants. Il y croisera celle qu’il avait aimé, la première, la seule… Qui est de "l’autre bord"… La colère, la bêtise, la haine, l’amour malgré tout, le sort des individus écrasés entre deux pages d’histoire, tout cela jaillit du récit à l’état brut.
Si l’ensemble de l’album laisse une impression bien moins forte que les œuvres plus achevées de Baru (principalement L’Autoroute…, L’Enragé et les délicieuses Années Spoutnik), on n’en admira pas moins la maîtrise d’un noir-et-blanc en dégradés d’encre de chine qui colle à la formidable énergie du trait.
Dommage, soit dit en passant, que Baru n’ait pas obtenu le succès escompté au Japon. Ce dessin, où l’énergie l’emporte sur l’esthétisme, correspond pourtant bien à l’esprit du manga.
Chronique par Geoffroy d'Ursel
* L’Autoroute du Soleil (1995) est un remake de Cours, camarade (1988) ; L’Enragé (2004) est une variation sur le thème des Chemins de l’Amérique (1990)
Lisez aussi notre longue INTERVIEW de BARU,
ainsi que notre avis sur sa BD Fais péter les basses, Bruno !
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