Auteurs : Tunica et Trillo
Editeur : Gallimard (Bayou)
Dans Jusepe en Amérique, Carlos Trillo et Pablo Tunica s’approprient un morceau d’Histoire d’une manière assez inattendue.
En plein XVIe siècle, la flotte espagnole navigue vers les terres du Nouveau Monde. Le but est de fonder la ville de Buenos Aires en mettant les Indiens au tapis et en pillant leurs richesses. Alors que Pedro de Mendoza, guerrier syphilitique qui dirige l’expédition, tombe de plus en plus dans la folie, les prétendants à sa succession intriguent en coulisse dans le but de prendre sa place et de s’approprier les supposées montagnes d’or qui sont cachées sur le jeune continent. A ce jeu, le second Juan de Ayolas semble tenir la corde avec l’exécution de son rival Jose Osorio. Mais c’est compter sans l’intervention inattendue du nain, homme à tout faire du voyage, dont personne ne fait d’habitude grand cas. Il faut dire que sa condition lui permet de se glisser dans les situations les plus sensibles sans qu’on fasse attention à sa présence et d’y exercer autant que faire se peut son cœur de bossu amoureux.
Pour cette bande dessinée, Trillo s’est inspiré du livre historique Voyage curieux au Rio de la Plata pour en retranscrire les épisodes et les différents protagonistes.
A cette caution "top crédibilité", il ajoute un bon morceau de romance avec, notamment, le personnage original de Jusepe, être difforme autour duquel gravite toute l’histoire (non, toute ressemblance avec Quasimodo ne serait peut-être pas fortuite). De ce fait, l’angle d’approche est beaucoup plus émotionnel qu’académique, ce qui soulagera le lecteur qui se méfie des récits trop pédagogiques.
Le dessin de Tunica ne laisse d’ailleurs que peu de doute là-dessus : on n’est pas dans la retranscription fidèle de faits, mais tout est passé à la moulinette d’un trait à cheval entre la caricature et le dessin pour enfants. Le tout est enlevé, les mouvements sont assez cartoonesques. Le personnage de Mendoza, croqué en monstre carbonisé lorsqu’il est sous l’emprise de la folie, a un petit quelque chose de Tex Avery. Mais qu’on ne s’y trompe pas, malgré les apparences, on est bien dans de la bande dessinée adulte, vu les scènes de massacre et les couleurs parfois très crépusculaires.
Pour une première bande dessinée, Tunica transforme l’essai, et son tandem avec Trillo trouve un équilibre qui n’était pas gagné d’avance, entre l’humour et le sérieux, l’amour et la violence, le joli et l’angoissant. Et malgré les réserves que je peux avoir sur les ellipses ou sur les aspects historiques laissés de côté (y compris la fin vite expédiée), je ne peux qu’applaudir à la réussite d’une entreprise aussi risquée (l’album, pas la conquête du Nouveau Monde : à chaque époque ses challenges !)
Pour une première bande dessinée, Tunica transforme l’essai, et son tandem avec Trillo trouve un équilibre qui n’était pas gagné d’avance, entre l’humour et le sérieux, l’amour et la violence, le joli et l’angoissant. Et malgré les réserves que je peux avoir sur les ellipses ou sur les aspects historiques laissés de côté (y compris la fin vite expédiée), je ne peux qu’applaudir à la réussite d’une entreprise aussi risquée (l’album, pas la conquête du Nouveau Monde : à chaque époque ses challenges !)
Chronique par Jean Alinea