Après quelques ouvrages qui ont consolidé sa crédibilité auprès d'une certaine "intelligentsia" (Quai d'Orsay et En cuisine avec Alain Passard), Christophe Blain prend le contrepied et se défoule avec un délire régressif total, réalisé en collaboration avec la chanteuse et narratrice Barbara Carlotti. La Fille est un fantasme loufoque, un "road movie américain" composé de gros clichés que l'auteur se réapproprie : grands espaces, amazones à motos qui font la peau aux cow-boys à moustaches qui zonent dans les bars... Et puis on retrouve, outre la bagarre, les thèmes recurrents chez Blain que sont l'amour (impossible ?) et les pulsions (l'érotisme ayant la part belle vers la fin).
Le protagoniste masculin est au départ minuscule, grandissant au fil des nuits d'amour avec l'héroïne solitaire et sauvage. Cette dernière a beau être une grande gigue, rouquine aux petits seins, sa tenue de cuir sexy et son terrible engin évoquent l'icône Bardot des chansons Harley Davidson et Initials B.B. de Gainsbourg. Beaucoup d'autres choses renvoient à la fin des sixties : on pense aux film Easy Rider de Dennis Hopper, à Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! de Russ Meyer et - surtout - à la BD culte Pravda la survireuse. La motarde, les grandes onomatopées pop, les couleurs flashy... pas de doute : Blain rend ici un hommage assumé et appuyé à l'ouvrage de Guy Peelaert. On pense aussi à sa propre série de western Gus, dont le cow-boy Moustache pourrait bien être le descendant.
Le texte s'apparente pourtant à un mauvais scénario de cinema d'action, écrit dans un style purement descriptif et plat, dans lequel les noms n'auraient pas encore été attribués aux personnages (on ne parle ici que de "la fille", "la patronne", "le grand échalas", "le petit nerveux"...). Pendant que vous lirez le livre illustré de planches de BD muettes, le CD joint vous présente l'histoire sur un ton assez monocorde et flegmatique, ponctuée de dialogues qu'on croirait extraits d'un film mal doublé, de vrombissements de grosses cylindrées et autres bruitages, ainsi que de chansons rétro, un peu space rock, à la voix lascive et aux synthés moog. Une atmosphere décalée et particulière se dégage de cet ensemble sonore.
Tout ça ne vole pas haut, ne se réécoutera probablement pas souvent, mais offre un moment de divertissement dont on retiendra peut-être quelques airs musicaux, mais surtout les dessins virtuosement souples et faussement simples de Christophe Blain.
Chronique collective de la rédaction Asteline
N.B. : Arthur H. et Blutch prêtent leurs voix (et leurs physionomies, il nous semble) comme narrateurs "guest-stars".
A noter aussi que les chansons comptent entre autres une reprise de Lee Hazlewood et une autre de Brigitte Fontaine.
A noter aussi que les chansons comptent entre autres une reprise de Lee Hazlewood et une autre de Brigitte Fontaine.
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