BD : Grumf

Auteurs : Enfin Libre
Editeur : La boîte à bulles



Le Fluink et Le songe de Siwel du même duo Enfin Libre nous avaient montré beaucoup d’originalité et c’est avec grand intérêt que je me suis plongé dans Grumf ("La 1ère BD biodégradée" indique un autocollant).

La couverture résume à elle seule tout l’album : une base de la civilisation rudimentaire, en noir et blanc, qui supporte de plus en plus mal l’escalade du développement architectural, technique et sociétal déshumanisés. Au centre de cette tour instable, les bâtiments de la Renaissance sont les plus colorés et attractifs. Au sommet, le titre à consonance préhistorique: Grumf. Vous l’aurez compris, le thème dont il est question ici est la décroissance. 

Graphiquement, les premières planches sont les plus belles, au trait et à l’aquarelle. Puis s’ensuivent successivement des planches en couleurs et ombres numériques, sans ombres, en valeurs de gris, en noir et blanc, sans cases, crayonnées, pour finir sur des smileys en pleine page. En adéquation avec le sujet, donc.

Un sujet qui n’est, malgré les cohérences visuelles, pas très fluide à lire : il y a tellement de personnages (auxquels on ne s’attache pas), de situations (parfois trop caricaturales) et d’ellipses qu’on perd le fil. D’autre part, on n’est pas sûrs de comprendre le parti pris (s’il y en a un) des auteurs. 


Alors que les objecteurs de croissance se défendent habituellement de cette fausse accusation de prôner un retour à l’âge de pierre*, cette BD semble au contraire émettre l’hypothèse qu’une régression rapide constituerait la seule chance de survie pour l’Humanité. On passe de certaines mesures anti-crise qui ont le vent en poupe, comme une progressive déconnexion face aux informations erronées de la TV et du net, la méditation enseignée dès l’enfance, un retour nécessaire à la nature (mal en point) et au troc, jusqu’à une communication qui souffre d’un langage véhiculaire mondial trop simpliste et des livres brûlés pour se chauffer. Le scénariste Philippe Renaut et le dessinateur David Barou  partagent-ils cet avis par dépit ou brandissent-ils cela comme un idéal ?

L’originalité est toujours au rendez-vous et l’album stimule la réflexion…. Cela fait déjà deux excellentes raisons de le lire, malgré ses défauts et lacunes.

Chronique par Jean Alinea

* A lire, les essais L’avenir est notre poubelle de J.-L. Coudray, ou La simplicité volontaire de Serge Mongeau, par exemple.