BD : Aspic Voisine

Auteur : Monsieur H
Editeur : La Boîte à Bulles

(Pour public averti)

Le quatrième de couverture mentionne "Enfin un bouquin que vous allez détester !!! ". Et Monsieur H, alias Simon Hureau, s’en est donné à cœur joie dans ce défouloir cynique qui a visiblement l’ambition de choquer.

L’album démarre "classiquement", avec l’emménagement de Justine - une jeune bourgeoise citadine sympa mais naïve et plutôt coincée - dans une ville de province. Elle se lie d’amitié (on va appeler ça comme ça pour commencer) avec Mélusine, la gothique de l’immeuble décrépit d’en face. Après un début de relation tumultueux, elles parviennent à trouver un terrain d’entente en s’invitant en alternance, s’adaptant à l’environnement de l’autre… même en matière de tenues sexy, puisque leurs rapports deviennent sans équivoque sexuel. Par contre, si Justine est candide, prévisible et manipulable, Mélusine développe des vies parallèles troubles et cachées, notamment en travaillant pour un organisateur de soirées sado-masochistes.

Dès la seconde histoire courte, on s’amuse tout d’abord des provocations politiquement incorrectes de l’auteur, mais le second degré sombre trop dans le sordide pour parvenir à arracher un rire (même jaune) au lecteur. Changement de ton, donc, quand la sexy mais insensible Mélusine est envoyée en mission pour débusquer un de ses ex qui aurait emprunté trop d’argent où il ne fallait pas. Cependant, on s’aperçoit rapidement que ce n’est pas là le pire crime de cet homme, qui s’avère être un maniaque sexuel et un abominable cannibale dévoreur d’enfants. Mélusine, qui aime joindre l’utile à l’agréable, décide de prendre quelques jours de bon temps avec ce pervers avant de le livrer aux sbires de son employeur. La jeune femme, décidément très immorale, ne refuse pas non plus de se délecter de la gastronomie particulière de son hôte.

Les trois histoires qui suivront paraitront forcément plus fades après la lecture de celle-là. Selon les passages de l’album, on oscille entre la comédie décalée façon Les voisins du 109 et la noire dérision du film C’est arrivé près de chez vous… malheureusement sans égaler ni l’un ni l’autre.

Après nous avoir conquis avec l’ambiance fantastique et nostalgique de L’Empire des Hauts-Murs (La Boîte à Bulles), la noirceur intéressante de Tout doit disparaître (chez Futuropolis, et dans lequel Mélusine faisait sa première apparition), Simon Hureau nous livre ici un ouvrage nettement plus mineur malgré ses ambitions d’exutoire subversif. Son dessin (ici en noir, blanc et valeurs de gris) reste très appréciable dans un style à la fois alternatif, semi-réaliste, vif et spontané.

Chronique par Jean Alinea