BD : L'impertinence d'un été - Tome 1

Auteurs : Pellejero et Lapière
Editeur : Dupuis




Je n’ai pas encore eu l’occasion de vous dire à quel point j’apprécie le travail de narrateur de Denis Lapière, un scénariste héritier des classiques par sa lisibilité, mais conscient et désireux de hisser ce classicisme à une forme d’art populaire. Même dans des séries orientées "grand public", comme Luka ou ses reprises de Tif et Tondu, dans lesquelles l’action lui permet de masquer une sensibilité à fleur de peau, Lapière soigne le réalisme, le contexte social, la documentation, la dramaturgie et la psychologie des personnages, transformant parfois ses scénarios en semi-reportages déguisés.

Lâché dans diverses collections de one-shots plus "auteuristes", principalement "Aire Libre", il profite régulièrement et pleinement de ces espaces pour déployer cette sensibilité qu’il se doit de dissimuler dans les séries précitées. Cela nous a valu de vrais bijoux, comme Le bar du vieux Français (avec Stassen, coll. "Aire Libre"), La saison des anguilles (avec Bailly, coll. "Long Courrier").

Un certain nombre de ses albums sont reliés entre eux par un fil rouge imperceptible : une sorte de vision transversale du XXe siècle, à travers des individus réels ou fictifs, ballotés dans les soubresauts de l’Histoire (La dernière des salles obscures – avec Gillon ; Un peu de fumée bleue et Le tour de valse – avec Pellejero…).

C’est dans cette série que s’inscrit L’impertinence d’un été, diptyque dont nous découvrons le premier volume. Il ne sera bien entendu possible de juger de l’œuvre que lorsqu’elle sera complète : nous ne disposons pour l’instant que d’une intéressante "mise en atmosphère".

L’histoire, revécue sous forme de souvenirs, se déroule au Mexique en 1923 – l’une de ces parenthèses enchantées entre deux révolutions pendant lesquelles des idéalistes ont pu croire que tout était possible. Une révolution socialiste vient de se terminer, et le pouvoir en place n’a pas encore eu le temps de chercher à écraser ses propres dissidents. Le photographe américain Edward Weston retrouve l’italienne Tina Modotti. Pour ces amants de légende, la liberté se conjugue sur tous les modes : liberté créative, sexuelle et politique. (Les lecteurs curieux reverront avec plaisir le film Frida, biopic sur Frida Kahlo, qui se déroule à la même époque).

Subtilité de la psychologie, intérêt documentaire, beauté du trait épais et précis, ce sont autant de raisons de se laisser envoûter par cet été impertinent.