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"Je suis tombé amoureux d’une femme inconnue". Quelques mots écrits par lui-même qui mettront Juan Cabo, écrivain à succès, sur la piste de sa vie, disparue de sa mémoire après un accident de voiture.
Mince indice qu’il tentera de compléter par un retour en arrière, un passage par ses habitudes antérieures : par ce restaurant où chacun peut écrire ce qu’il veut en dînant et laisser là ses notes à reprendre plus tard. Notes où d’autres comme lui auraient évoqué une jolie femme à la table quinze mais qui auraient été étrangement modifiées. Poursuivant la recherche de sa propre histoire, Cabo finit dans le bureau d’un détective spécialisé dans les affaires littéraires et rencontre une « muse » pour les écrivains en panne d’imagination (femme qui lui évoque celle de la table quinze et qui pourtant, il le sait, n’est pas LA femme). Il se laisse emporter dans un tourbillon de dérapages de la réalité, où la folie ne manque jamais d’ouvrir sa bouche sans dents pour tenter de le happer.
Puissance de l’écriture, pistes troubles, jusqu’où peut aller ce pouvoir-là ? Celui de l’auteur, celui de ses mots, celui de l’inspiration, celui du détournement de la réalité, de son mélange à la fiction ? Qu’en est-il de la crédibilité ? Quelle importance a-t-elle, au fond, si le but est de nous faire perdre nos repères ?
Somoza aime terriblement jouer avec son lecteur, le manipuler, le prendre à témoin et le rendre, en fin de compte, acteur de son histoire.
Beaucoup de plaisir à lire ce roman, habilement structuré, au style toujours fluide, comme dans les précédents ouvrages de Somoza, même si ses deux premiers (La caverne des idées et Clara et la pénombre) restent pour moi, à ce jour, ses plus talentueux.
Chronique par Virginie
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