ROMAN : Sumo sur brin d'herbe

Auteur : Alexandre Millon
Editeur : Le Grand Miroir


Constantin a la quarantaine, est célibataire et gagne sa croûte comme gardien de Musée. Il vit dans un appartement bruxellois, en concubinage avec un Juncus Spiralis, une plante qui "boit comme trou" et qui a, par ce détail, hérité du nom de Bukowski.

De sa famille, il ne reste que Laura, sa sœur, dont la réussite professionnelle n’a d’égal que les échecs sentimentaux. Laura était "l’aimée", celle du père qui avait usé tous ses sentiments quand il s’agissait d’en éprouver pour son fils.

Frère et sœur viennent de l’enterrer, ce père, déjà veuf depuis longtemps. De lui, Constantin ne veut récupérer qu’un vieil orgue de Barbarie, héritage des anciens, détraqué et solitaire, et dans lequel Laura ne voit qu’un maudit bastringue, encombrant et inutile…

Mais le récit ne démarre pas avec Constantin. Il s’ouvre sur Léon Barth, vieil homme sec et amer, esseulé des humains et à la retraite anticipée de son métier de facteur suite à une agression. Léon hait, Léon ne comprend pas, Léon attend de déverser son fiel, jusqu’à l’irrémédiable. Léon est le corbeau noir du récit, qui réapparaît par petites touches au fil du roman…

Constantin s’alourdit de la vie, se cherche, marche pour exister, sentir. Vient sa rencontre avec Blanche la brune, au corps d’ado. Il se donne le droit de désirer, puis celui d’aimer. Il vit de leurs rencontres, s’en nourrit. Sumo sur brin d’herbe est une histoire d’amours, surtout.

De la tragédie drôle, de la comédie triste, la vie de Constantin frise toujours le tendre, l’optimisme à travers les coups durs, les déceptions, les doutes. Il avance, rebondit, sincère et vrai.

Histoire d’amour entre un gardien de musée et une chocolatière. Qui sont plus que ça, qui sont surtout deux êtres humains intelligents, se cherchant dans les sinuosités du quotidien, sans carte en main, et sur le point de trouver le bon chemin après quelques erreurs de calculs.

Car parfois la vie nous fait don d’un GPS…

Aimer l’autre, croire en lui, faire confiance en l’existence, avoir pour confident une plante ‘hydroo-lique’, de sa propre pesanteur diminuer l’intensité et rebondir, tel un ricochet, toujours et encore, vers un futur qui nous reconstruit perpétuellement. C’est ça, Constantin. Le Constantin que j’ai lu.

En antonyme, ce Léon perdu, cruel et désespéré, qui casse la vie de mots haineux et de mal-être, xénophobe et misanthrope, que se replie, se carapaçonne dans sa douleur, colère sans fond.

Les contrastes font parfois les grands sentiments.

Alexandre Millon est maître en art de la formule, de l’image qu’il soutient et embellit, de la poésie visuelle offerte. Un livre doux-amer, optimiste toujours, humaniste surtout.

La vie est une tarentelle, c’est l’orgue de Barbarie qui le dit, ce maudit bastringue…

Chronique par Virginie


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