Voici
un livre dans lequel on peut venir picorer à sa guise, chaque texte
faisant en moyenne une page. Cette tendance à l’écriture par touches
impressionnistes, on la trouvait déjà dans les deux précédents romans d'Alexandre Millon, Le périmètre de vie et 37 rue de Nimy,
dont la trame semblait souvent n'être plus qu’un prétexte à
digressions. Ici, sortir du cadre est pleinement assumé : place à
l’écrivain qui s’émancipe du romancier.
L'auteur moustachu, qui s'était fait connaître en 2003 avec Mer calme à peu agitée (chez Le Dilettante), tisse ici en mots délicats ses réflexions à la fois douces-amères et lumineuses, tantôt inspiré par des notes de jazz (ou de classique), tantôt par quelques grandes figures littéraires et philosophiques du passé, qu'il invite dans ses rêveries, dans ses observations du quotidien ou de voyages. Chez Millon,
la recherche d’authenticité se fait au gré des questionnements
existentiels et identitaires (origines juives,
italiennes...), entre dolce vita et sa négation.
L’essence qui alimente son écriture est là, mais pas sans son revers éthéré. S’il y a des passages très bien vus sur la mémoire (cf. l'extrait ci-contre) et la transmission; sur les diverses formes d'affection (amicale, familiale, amoureuse, charnelle) et d'absence; sur l’identité et les apparences, … il n'évite pas certains égarements dans l’anecdotique, dans une surabondance de références ou dans des allégories et métaphores un peu maniérées.
Chronique par Joachim Regout
Livre paru aux éditions Murmure des soirs
