BD : Gastoon - T01 : Gaffe au neveu !

Auteurs : Léturgie, Yann, Léturgie
Editeur : Marsu Productions


Souvenons-nous qu'André Franquin lui-même avait signé de nombreuses aventures incontournables de Spirou et Fantasio sans être le créateur de ces héros. Il est donc possible de reprendre et même d’améliorer un personnage… mais force est de constater que cela demande un talent rare. Je pense aussi à plusieurs fameux épisodes de Clifton par Turk, Degroot ou Bédu, qui constituent une autre exception.  

Le cas Gaston Lagaffe est bien entendu délicat : de l’aveu de Franquin lui-même, il s’agissait de sa création la plus personnelle et il ne souhaitait pas que d’autres plumes et pinceaux ressuscitent le gaffeur le plus célèbre de la BD. 

Pour Marsu Productions, Yann et Léturgie père et fils, les dernières volontés servent probablement à être contournées. Ainsi, Gastoon ne serait pas Gaston, mais bien ce neveu de dix ans, sans nom, lui ressemblant comme deux gouttes d’eau et qui était apparu furtivement dans trois gags publicitaires signés Franquin (cf. cliquez sur l'extrait du dossier de presse ci-dessous). 

D'accord, mais pourquoi lui avoir attribué ce nom plus qu’évocateur de Gastoon, ainsi que Mademoiselle Jeanne, De Mesmaeker, Bertrand et Jules comme copains de jeux ? Le procédé semble contestable. A ceux qui voudraient le comparer au Petit Spirou, il faut rappeler que ce dernier était né d’une idée vraiment originale (souvent copiée par la suite), provenant d’auteurs qui assuraient déjà avec brio la reprise des aventures du "grand Spirou". Tome et Janry ont su créer toute une galerie de personnages mémorables et drôles.

Dans Gastoon, le protagoniste a heureusement un caractère différent de celui de son oncle (plus dynamique, espiègle et écolo), mais les quelques personnages secondaires inventés par Yann et Jean Léturgie n’ont rien de bien géniaux, les clins d’yeux humoristiques ne seront pas toujours saisis par le jeune lectorat visé et les gags sont loin d’être désopilants. Avoir côtoyé Franquin, prêté leur plume pour plusieurs séries classiques (dont Lucky Luke) et être de vieux renards du métier ne suffit pas. Ensemble, on les préfère nettement dans le registre pasticheur et caustique du récent Spirou Dream Team*. Simon Léturgie (Spoon et White avec son père, ou Polstar) et le coloriste Gom font leur job sans grande originalité, mais de manière efficace.

La polémique autour de cet album contribuera inévitablement à sa visibilité, à titiller la curiosité et donc probablement à en vendre beaucoup. A la lecture, on peine à trouver la petite once d’originalité qui donnerait la sensation que ce n’est pas l’unique but de ses concepteurs.

Chronique par Jean Alinea

* et à la rédaction des Chroniques d’Asteline, nous espérons surtout qu’il viendra à Yann l’envie de nouvelles aventures d’Odilon Verjus, avec Laurent Verron ! Lire notre interview ICI.