BD : Animal Lecteur / Spirou Dream Team

Editeur : Dupuis


 
Les éditions Dupuis ont décidé de s’offrir un peu d’auto-dérision en donnant carte blanche à deux duos d’auteurs qui s'en prennent caustiquement au petit monde du 9e art.

Tout d’abord Animal Lecteur.
Le nom de la série est déjà un joli jeu de mots (clin d'oeil au film Le silence des agneaux pour ceux qui n'auraient pas saisi). Sergio Salma et Libon y relatent leurs observations des petits travers typiques des clients au sein d’une boutique spécialisée. Si les auteurs usent bien sûr de la caricature, elle est parfois à peine nécessaire pour faire rire le lecteur… souvent de lui-même. Car tout le monde en prend pour son grade : du bédéphile pointu un peu snob à celui qui ne prend aucun risque en s’achetant le énième mauvais album de la série machin sous prétexte de compléter sa collection, en passant par celui qui abuse des formules d’échanges possibles. Le libraire n’est pas épargné non plus : on le considère successivement comme un habile déjoueur de manigances abusives, un véritable passionné, un blasé total croulant sous la surproduction ou un commerçant culpabilisant de son hypocrisie.

C’est souvent jouissif, bien vu et c'est donc une bonne chose que ces gags sortent des colonnes de l’hebdomadaire Spirou pour exister sous forme d’albums au format atypique (demi-album vertical).

Ensuite, il y a Marcinelle Blues, premier (et seul ?) recueil d’histoires courtes de la Spirou Dream Team.
Le scénariste Yann retrouve ici son humour acerbe et très référentiel (qui a fait le sel des Innomables, entre autres). Tellement référentiel qu’il faut être familier du milieu,  des séries, voire même être auteur ou travailler dans l’édition pour saisir toutes les "private jokes" disséminées tout au long de cet album. Avec son comparse Simon Léturgie  (Spoon et White) aux dessins, il mitraille sans pitié les stratégies marketing, les personnages à succès, les éditeurs célèbres, l’actionnariat et le patronat du groupe Dargaud-Kana-Lombard-Dupuis, ici rebaptisé Darpuis-Longkanard. Le graphisme dynamise par l’expressivité humoristique ce qui peut parfois être plus difficile à suivre pour le grand public.

A noter aussi que l’écrin du livre est luxueux – et également référentiel : le simili cuir brun foncé et la couleur dorée évoquent inévitablement les couvertures des compilations Rombaldi (Franquin, Hergé, etc.). J’en connais qui se sont fait plaisir !

Deux très bons moments pour les zygomatiques des bédéphiles.
 
Chronique collective de la rédaction Asteline