BD : Le dernier Quai

Le dernier quai, c'est celui où Emile, majordome ultra consciencieux, attend ses clients dans un hôtel de bord de mer. Les registres sont tenus à jour, les petits déjeuners prêts, la propreté ne fait jamais défaut, le café est parfaitement dosé. 

 

Mais ces client ont une particularité étonnante : ils viennent tous de mourir et sont là pour faire la paix avec leur vie, leurs échecs, leurs regrets. S'ils n'y parviennent pas, leur âme en peine errera à jamais dans une forêt marécageuse.

Ne nous inquiétons pourtant pas trop, car Emile est aux petits soins de ses hôtes et les aide dans leur cheminement intérieur.

Cependant, la mécanique bien huilée et millimétrée de ce dernier s'enraye un jour : il s'est réveillé en retard et trois nouveaux arrivants ont débarqué sans son aide et semblent n'avoir aucun souvenir... Les certitudes d'Emile volent en éclats au fur et à mesure qu'apparaissent des explications. Lui aussi a ses petits secrets.

On est vite envoutés par ce singulier univers, purgatoire revisité avec maitrise et imagination par Nicolas Deletret. On repèrera rapidement l'influence de Miyazaki dans certaines planches, notamment la voie ferrée sur l'eau du Voyage de Chihiro, ou les apparitions noirâtres et liquides d'âmes perdues. Mais l'auteur-dessinateur trouve sa propre pâte, un style et un ton remarquable. Dessin vif et couleurs douces, mélange de réalisme, de fantastique et d'étrangeté, le tout réuni parvient à nous émouvoir régulièrement.

La mort est traitée avec poésie et délicatesse et, le livre refermé, on espère trouver un jour la paix intérieure sur le dernier quai. 160 pages de plaisir.

Chronique par Reynald Riclet

BD parue chez Grand Angle (label des éditions Bamboo)