Will, un père de famille, ne se remet toujours pas du décès de sa gamine, Wendy, il y a de cela 10 ans. Son couple n’a pas survécu au drame et, contrairement à son ex-épouse, il n’est pas parvenu à refaire sa vie avec quelqu’un… ni tout seul d’ailleurs. Oh certes, il a un boulot (de chef de chantier), une charmante voisine a priori, mais il évite toute sociabilisation.
Jusqu’au jour où il recevra un coup de fil de sa fille - ou quelqu’un se faisant passer pour elle ? - qui lui demandera laconiquement de la rejoindre "au centre". Évidemment, tout le monde prend Will pour un dingue, mais il persévérera dans ses recherches d’indices, se remémorant soudainement la passion qu’avait Wendy pour les carnets de jeux où il faut trouver l’accès menant au centre de labyrinthes. Malgré les dédales plus complexes à chaque page, la fillette avait le don de tracer le chemin de son stylo rouge, sans hésiter et sans se tromper.
Entre réalisme et fantastique, la frontière est ambiguë dans ce récit. Les ambiances du romancier japonais Haruki Murakami sont une source d’inspiration assumée chez le canadien Jeff Lemire. Ce scénariste - et parfois dessinateur - de "comics", s’épanouit surtout dans ses romans graphiques plus personnels, qu’il signe seul, autour de thèmes de prédilection a priori plus graves : les souvenirs, les liens et drames familiaux, l’isolement, les peurs, la mort. Les éditions Futuropolis ont publié Winter Road; The Nobody; Jack Joseph, soudeur sous-marin; Essex County; … et puis ce nouveau livre, dans lequel Jeff Lemire confie en postface :
"La création du Labyrinthe inachevé a été l’une des expériences les plus agréables de ma carrière. Tout est venu à moi chaque jour, sans effort. J’ai pris un immense plaisir à dessiner. Je pense que j’étais dans la position créative idéale, enfin libéré de la routine de l’écriture pour Marvel et DC, et libre de faire mes propres créations à mon rythme. J’ai réalisé cette série* sans savoir qui la publierait ni quand. Je l’ai fait selon mes propres conditions. Quand vous avez goûté à cette liberté, il est difficile de revenir en arrière."
Si les thèmes sombres du deuil et de la dépression sont bien présents, ils sont traités d’une façon qui ne devrait pas plomber le lecteur… Que du contraire.
C'est un beau récit, même si le dessin ne nous avait pas encouragé d’emblée et que nos yeux ont trébuché quelques fois sur le sens de lecture alternatif de certaines pages.
Chronique collective de la rédaction Asteline
* Le labyrinthe inachevé est d’abord paru chapitre par chapitre au format "comics" dans les pays anglo-saxons.