ESSAI : Jusqu'à la fin des temps

Voilà un livre qui comblera les purs cartésiens qui s’interrogent sur l’état actuel des sciences quant à l’origine du monde, l’entropie, l’énergie, la matière, le temps, les trous noirs, sur l’évolution humaine et celle du cerveau, sur la quête de sens, les croyances et la créativité que notre espèce a eu besoin de développer (souvent pour sa survie), etc.



 

Cet exposé brasse donc très large (physique, anthropologie, philologie, ...) mais n’est pas impartial. L’auteur est certes un savant, professeur de mathématiques à l’Université Columbia de New York, théoricien des cordes notoire, mais il se permet aussi d’intégrer régulièrement son avis. L’avantage, c’est que ces plus de 400 pages sont vivantes et agréables à lire, qu’on en tire matière à réflexion et débat, et que même des croyants pourraient le trouver intéressant (à condition d’être ouvert d’esprit, d’aimer lire un avis différent du sien). Brian Greene stipule d’ailleurs ceci :



 

"L’avis de scientifique que je viens de vous donner s’accorde avec au moins une des voix spirituelles majeures d’aujourd’hui. Il y a quelques années, je fus invité à participer à une discussion publique avec le Dalaï-lama. Au cours du débat, je fis remarquer l’abondance de livres expliquant comment la physique moderne récapitule des découvertes faites en Extrême-Orient, il y a des milliers d’années ; et je demandai au Dalaï-lama s’il considérait que ces affirmations étaient valides. Sa réponse franche me fit forte impression : "En ce qui concerne la conscience, le bouddhisme a quelque chose d’important à dire. Mais en ce qui concerne la réalité matérielle, il nous faut nous tourner vers vous et vos collègues. Vous êtes ceux qui pénétrez profondément dans ce domaine." Ce serait merveilleux que d’autres guides spirituels et religieux suivent son exemple et fassent une réponse aussi simple, franche et directe."



 

Brian Greene est un vulgarisateur hors pair, ses propos sont clairs et appréciables quand ils reposent sur des hypothèses vérifiées. Quand il est plus subjectif, il tente d’éviter quelques affirmations péremptoires (parfois non sans mal, comme souvent les érudits). Il admettra toutefois que la science peine à avoir réponse à tout :



 

"Ces saisissantes révélations s’accompagnent de questions lancinantes. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Qu’est-ce qui a allumé la première étincelle de vie ? Comment la conscience de soi a-t-elle émergé ? Les chercheurs ont fait de nombreuses spéculations, mais nous n’avons pas encore de réponses définitives. Peut-être que nos cerveaux, si bien adaptés à la survie sur Terre, ne sont tout simplement pas faits pour résoudre ces mystères. Ou peut-être que notre intelligence continuera à évoluer et que notre rapport à la réalité en sera si profondément changé que ces questions aujourd’hui vertigineuses apparaîtront sans objet. Les deux pistes sont envisageables, mais je soupçonne qu’elles sont fausses. En effet, le monde tel que nous le comprenons désormais, quand bien même il recèle encore de mystères, montre une cohérence mathématique et logique très solide, et nous avons parfaitement été capables de déchiffrer cette cohérence. Ce ne sont pas les ressources intellectuelles qui nous manquent."



 

Pour conclure, je dirais qu’un bouquin qui nous explique clairement quelques concepts a priori incompréhensibles à tout un chacun, tout en proposant une théorie  pertinente quant à nos fascinations pour les fantômes et les dieux (par exemple), c’est une réussite.

Chronique par Joachim Regout

Jusqu'à la fin des temps est publié chez Flammarion.