Commençons par attribuer de mauvais points à l'éditeur Gallimard : tout d'abord pour avoir fait imprimer et relier cet ouvrage à Dubaï (ça se passe de commentaires, d'autant plus dans ce cas-ci) ; ensuite pour sa mauvaise traduction du titre original, Climate Emergency Atlas (littéralement "atlas de l'urgence climatique") devenant Atlas du changement climatique. Comment dire ? Un "changement", c’est presque doux, ça laisse supposer qu’il suffirait de s’adapter un peu, que c’est une étape naturelle dans l’histoire de la vie sur terre. Or, bordel de merde, nous le savons aujourd'hui pertinemment bien : c’est face à un dérèglement climatique, avec tous les voyants au rouge et dont la responsabilité incombe principalement à l’activité humaine, qu’on doit faire face !
Oui, l'évitement des termes réellement dénonciateurs nous fâchent. Dans notre chronique à propos de la BD Urgence climatique, par Lécroart et Ekeland (globalement fort bien faite), nous pointions une forme de tabou autour du mot "capitalisme" pour désigner la cause exacte des problèmes environnementaux qu’il faudrait solutionner. Comme si le principe-même du capitalisme était amendable et compatible avec la désormais indispensable décroissance… Force est de constater qu’il y a encore tant de naïfs, d'affairistes inconscients (ou, pire, conscients et cyniques) pour placer leurs espoirs dans l'évolution de ce même système qui nous précipite toujours plus vite vers le gouffre. Les rapports scientifiques les plus rigoureux ont bien démontré que ne suffiront pas la sacro-sainte "croissance" verdie, ni les seules solutions technologiques (actuellement privilégiées car rentabilisables).
On ne remet pas ici en doute le sérieux du travail documentaire de l’auteur, Dan Hooke. Dans cet atlas, le tour des problématiques et de leurs impacts au présent (giga-incendies, phénomènes météorologiques extrêmes, fonte des glaces, accélération sans cesse croissante de la perte de biodiversité, acidification des océans, exils de populations...) est assez complet ; les exposés sont clairs ; les graphiques et graphismes parlants, les photos bien choisies… La dernière partie est axée sur des solutions (insuffisantes). Le livre évite d'être exhaustif sur l'étendue des dangers qui nous guettent (dont la multiplication de pandémies, par exemple), mais passons.
Cet atlas a deux lacunes : le manque d'attractivité pour les ados, auxquels il est censé être destiné en priorité (puisque publié sous le label "Jeunesse" de l'éditeur) ; et surtout, surtout, surtout l'absence d'une certaine radicalité (terme à ne pas confondre avec "extrémisme") qui devrait aller de pair avec toute situation d'urgence.
Quand un titre de chapitre indique "action internationale" plutôt qu’"inaction internationale" - ce qui serait plus réaliste - , il y a de quoi avaler de travers. Cette tendance à dénoncer des abus dans tel ou tel secteur d'activité, à relever les maux sans remettre fondamentalement en cause le système qui les crée devient intolérable !
On a besoin d'ouvrages sur le thème qui soient moins consensuels, qui n'évitent pas les mots tabous et antagonistes que sont "capitalisme" - la base du problème environnemental - et "décroissance" - la solution sans laquelle les autres sont dérisoires. Chronique collective de la rédaction Asteline
(N.B.: la dernière photo (D.R.) dans le présent article ne figure pas dans le livre. Elle est extraite de reportages sur l'Australie ravagée par les flammes en 2019-2020.)
