Emmanuel Carrère a deux
qualités énormes, celle de nous happer dans un récit qui, à première vue ,
ne nous disait absolument rien – au choix : sa vie, le christianisme, un
auteur russe quasi inconnu, un gars qui rase sa moustache… - et celle de
parvenir à être au plus près de la réalité, en évitant les hypocrisies,
les fausses modesties. Il fait "effraction dans le réel" pour
reprendre le titre d’un livre lui étant consacré.
Cette fois, Carrère voulait nous emmener faire du yoga, partager son expérience pour en faire "un petit livre souriant et subtil". Finalement, l’attentat contre Charlie Hebdo et une dépression sévère sont venus perturber son plan. Personne ne sait ce qu’aurait donné ce recueil sur le yoga. Mais Yoga est le livre d’un grand bourgeois dont le nombrilisme, depuis longtemps assumé, a pris le dessus.
D’une dépression sévère, on saura que ça pique vraiment. Pour se mettre au vert, Carrère part animer un atelier d'écriture auprès de jeunes migrants sur l'île de Léros. Il y découvre la misère, les horreurs rencontrées par ces jeunes, leurs désirs d’occident, quelle surprise !
On se demande parfois si, à court de récit à nous transmettre, Emmanuel Carrère ne va pas finir par créer des situations, juste pour pouvoir en faire un livre. Il signe là son premier livre inutile et c’est dommage pour un si grand écrivain.
Chronique par Reynald Riclet
Un livre édité par P.O.L. /
Gallimard (collection Ecoutez Lire) pour la version livre audio
Photo de l'auteur ci-dessus © Joel Saget / AFP
