Le créateur original Alejandro Jodorowsky se fait âgé, mais ce n’est pas ce qui l’arrête puisqu’on le retrouve aujourd’hui à nouveau actif en tant que cinéaste. Un bon choix, puisque ses derniers films, La Danse de la réalité et Poésie sans fin sont éminemment plus personnels et réussis que ses dernières créations de BD, où il avait tendance à se répéter et faire preuve de moins de conviction.
S’il a ébauché un synopsis global pour amorcer la succession, c’est à Jerry Frissen (Lucha Libre) que revient de développer de nouvelles aventures pour le Méta-Baron, célèbre héros apparu dans l’Incal et dont la saga familiale tragique fût déclinée dans La Caste. Autour de ces deux séries majeures de la bande dessinée de science-fiction (la première dessinée par Moebius, la seconde par Gimenez) gravitaient déjà d’autres récits annexes, toujours issus de l’imagination de Jodorowsky mais de qualité plus inégale : Avant l’Incal, Final Incal, Les Technopères, Megalex, Castaka ou encore Les Armes du Méta-Baron.
La nouvelle série s’intitule sobrement Méta-Baron et sera vraisemblablement composée de diptyques écrits par Frissen mais confiés à des dessinateurs différents pour assurer une régularité de parutions. En deux premiers tomes, on retrouve l’univers jodorowskien dans tout ce qu’il a de sombre mais initiatique, de cruel mais allégorique des abus de pouvoir et autres déviances humaines. Le dessin impressionnant et très réaliste de Valentin Secher ne contribue pas à rendre les scènes plus suggestives. Les opposants du héros sont jusqu’au-boutistes et les auteurs ne nous épargnent aucune scène d’horreur. C’est une confrontation de titans. C’est spectaculairement gore. Trop ? Ames sensibles s’abstenir, amateurs de sensations fortes, bonjour !
Les Techno-Technos ont su profiter du chaos post-Empire, dominant la galaxie par leur mainmise sur l'épyphite, le carburant des voyages interstellaires. Leurs nano-espions remarquent que le Méta-Baron, après des années de réclusion dans son Méta-Bunker, fait route vers Marmola, la terre de ses ancêtres mais aussi unique source d’épyphite. Anéantir le héros devient une priorité et c’est le Techno-Amiral Wilhelm-100 qui s’impose par la force pour accomplir cette mission. Ce dernier sollicitera Tétanus, un petit scientifique hideux à sa botte, pour élaborer un plan machiavélique : créer un clone de leur adversaire, un anti-baron supérieur en force à l’original. La science “techno” qui accélère, au prix d’autres vies, les processus de naissance, de croissance et de contrôle mental de leur poulain n’est pas sans évoquer les recherches et fantasmes des labos au service des industries multinationales ou de la domination militaire.
Méta-Baron est un spin-off maîtrisé, qui se distingue des autres en augmentant encore la dose de violence et de noirceur. Cela ne le rend à mon avis pas indispensable, mais la lecture ne peut pas laisser indifférent… ce qui change déjà de la quantité de reprises insipides qui inondent les librairies. Une bonne façon aussi de nous faire mordre à l’hameçon et, comme si cela ne suffisait pas, l’éditeur publie en exclusivité les premières planches du tome 3 (dessiné par Niko Henrichon) pour clore le second. Fûté.