Editeur : Rue de Sèvres
Sur le quatrième de couverture, il y a écrit : "Joann Sfar, l’auteur du Chat du rabbin, nous livre dans cet album plein de vie une variation libre, brillante et enlevée sur le binôme éternel que forment la création artistique et l’amour."
Autrefois grand raconteur d’histoires dont l’imagination semblait intarissable, Sfar traverse pourtant selon nous une durable panne d’inspiration (ce qui ne l’a jamais empêché de surproduire). Pour le protagoniste de Tu n’as rien à craindre de moi, il reprend les traits de son Chagall, le transpose dans un décor contemporain et lui attribue ses propres questions et errances existentielles, celles qui sont récurrentes dans sa bibliographie : l’identité juive, la nostalgie amoureuse, la connivance avec les femmes ou une certaine fascination pour les désarrois gainsbourgiens.
L’auteur se perd entre différents types de narration, différents rythmes, variant librement (parfois sans cohérence) les tailles de ses cases, ponctuant les bavardages avec quelques arrêts sur images érotiques. Ses dessins possèdent tantôt le côté futile d’illustrations de presse dite "féminine", tantôt les déformations oniriques d’un peintre surréaliste, tantôt l’innocence d’un Sempé ou d’un Quentin Blake (des références qu’il revendique), tantôt le "regard qui déshabille" d’un Guido Crepax (Valentina). En isolant certaines cases ou planches, cette liberté graphique est appréciable. Mais sous le prétexte d'offrir une réflexion sur l'amour et le lien artiste-modèle, Sfar radote et tourne en roue libre autour de son nombril et celui des belles femmes, oubliant même quelque peu son sens de l'humour. Rien de neuf, ni de passionnant.
On attendra donc encore le retour en forme de celui qui nous donna à lire, durant la première décennie du XXIe siècle, une quantité non négligeable de bandes dessinées jouissives.