ROMAN : Hurlevent

Auteur : Emily Brontë
Editeur : Gallimard / Folio Classique

Publié en décembre 1847, Wuthering Heights est l'unique roman d'Emily Brontë, qui succomba de la consomption moins d'un an plus tard. Titré plus brièvement Hurlevent dans la dernière édition poche de Gallimard (et préfacé par Patti Smith), ce récit né des mouvements romantique et gothique de la littérature anglaise n'a pas seulement pour thème l'histoire d'une déchirante passion mais bien celui de la vengeance. De l'amertume et de l'orgueil.

Faut-il encore résumer la rencontre entre Heathcliff, l'enfant "bohémien" recueilli dans les rues de Liverpool par Mr Earnshaw, et Catherine, la fille de ce dernier ? Leur enfance sauvage dans les landes du Yorkshire, leur complicité animale, leur amour dépourvu de toute sophistication dont la nature est le berceau ? C'est dans le ventre d'une telle intensité que s'installent la douleur et la jalousie. Alors qu'ils épient les élégants habitants de Thrushcross Grange, ils se font surprendre et Catherine, attaquée par un chien, est hébergée par les Linton pendant plusieurs semaines tandis qu'Heathcliff se fait refouler comme un vaurien. Durant cette séparation, Catherine se prête au jeu des habitudes de dame et se laisse charmer par les mœurs d'une vie bourgeoise. A son retour à Hurlevent, son intérêt pour Heathcliff semble émoussé alors qu'elle se laisse séduire par Edgar Linton... Surprenant la conversation entre Catherine et une domestique, Heathcliff croit comprendre que celle qu'il aime va en épouser un autre parce que son statut à lui la dégraderait socialement. Il disparait ainsi, avant d'avoir entendu les sentiments profonds d'une Catherine tiraillée et aimante... Il ne reviendra que trois ans plus tard, après le mariage d'Edgar et Catherine, bien déterminé à détruire le bonheur des deux familles ayant condamné le sien.

Terriblement sombre, ce roman dont on ne peut nier la rudesse et les aspérités fut d'abord publié sous le nom d'Ellis Bell. Après la mort d'Emily, Charlotte en révisa l'édition et le fit paraître à nouveau, sans pseudonyme cette fois, insistant sur la nature entière et poète de sa sœur cadette.

Si les premières critiques furent mitigées, mal à l'aise devant le côté désinhibé et effronté des personnages, ils ne pouvaient nier le pouvoir créatif et imaginatif de ce roman dénué de toute niaiserie. Chaotique, rugueux, intense, bousculé tant dans son thème que sa narration, il est clair que Hurlevent dérange et fascine en même temps. La langue elle-même commet des écarts entre rudesse et poésie. Et cette étrange hypnose s'installe, happe le lecteur, lui faisant miroiter la pureté d'un amour sans concession avant de l'emporter dans la tempête de la haine et de la cruauté. C'est le tourment à tous les étages, imprégné par une atmosphère mystérieuse où la nature se pare autant de merveilleux que d'hostilité.

Tout a déjà été dit. Indémodable et pourtant issu d'une époque révolue bien palpable, terrible et belle, ce roman est pour les romantiques, les curieux, les esthètes, les passionnés, les affables, les âmes grises et aussi les autres. 

Chronique par Virginie