BD : Confidences à Allah

Auteurs: Simon, Avril

Editeur: Futuropolis


Adaptation du roman de Sophia Azzedine, où on suit les errements de vie d'une jeune femme au travers de ses monologues - bruts de décoffrage et parfois crus - adressés à Allah.



A seize ans, Jbara n'espère plus pouvoir un jour échapper à un destin misérable et tout tracé dans les montagnes du Maghreb, loin de toute modernité. Tout semble y être "haram" (interdit) ou impossible. Elle partage son quotidien avec une mère qui lui fait pitié, un père stupide et cinq frères et sœurs. Les seules visites sont celles du fikh (une sorte de faux-imam, "un danger public qui bouffe gratos, vit à l'oeil sur le dos des ignorants et que tous les gens respectent et craignent") et celles d'un berger qui vient se soulager auprès d'elle en échange d'un sac de yaourts fruités et autres friandises.

Tombant simultanément enceinte et sur une valise perdue par des touristes américains, elle se fera chasser violemment pour avoir jeté l'opprobre sur sa famille. Arrivée en ville, elle provoquera sa fausse couche. Ces malheurs lui offriront néanmoins une relative "émancipation" de sa condition, puisqu'elle deviendra successivement bonne à tout faire (abusée sexuellement) et prostituée... ce qui lui permettra de pouvoir s'acheter davantage que le nécessaire pour subsister. Devenant même la favorite d'un cheikh, elle s'habituera aux avantages superflus de ce mode de vie au point de refuser un mariage honnête. Une certaine "ascension sociale" qui ne durera bien évidemment pas.


Les conversations choc qu'elle entretient avec Allah, entre foi, doute, désespoir et révolte, sont surtout révélateurs de l'hypocrisie d'une société, d'une utilisation intéressée et souvent malveillante de la "parole divine" et bien sûr du machisme. Bien sûr, certains prendront ces propos pour blasphématoires, mais on ne peut s'empêcher de penser que la jeune protagoniste éprouve sans doute plus d'amour et de respect pour Allah que n'importe quel croyant modéré n'ayant jamais remis sa conviction en question.



Si les dessins et couleurs de Marie Avril sont plaisants, l'histoire fluide à lire, on peut reprocher une certaine précipitation en fin d'ouvrage et évidemment, tout du long, une certaine modération du texte original.


Chronique par Jean Alinea

N.B.: Lisez aussi notre chronique à propos de la BD Le monde d'Aïcha, qui traite d'un sujet analogue.