Me voilà tiraillé entre deux sentiments à la lecture de ce livre :
C’est tout d’abord un grand plaisir de découvrir le travail de Marcel Ruijters, dont le graphisme évoque admirablement le moyen-âge (comme Vanoli avec son Décaméron, chez Ego Comme X). On pense tantôt aux créatures de Bosch, aux vieilles gravures, enluminures et bas reliefs d’églises romanes, le tout mâtiné d’une touche plus contemporaine qui, elle, pourrait être comparée aux bandes dessinées alternatives et surréalistes de Jim Woodring.
A la fois, je trouve dommage que l’auteur ait décidé de faire une adaptation de L’Enfer en n’étant ni assez fidèle à l’oeuvre de Dante, ni assez libéré pour en faire quelque chose de vraiment neuf ou drôle. Alors oui, il y a les personnages masculins qui sont remplacés par des femmes et d’autres détournements amusants ; quelques bouts du Purgatoire et du Paradis (les autres chapitres de La Divine Comédie) y sont intégrés ; il y a aussi un jeu avec les codes et les symboles qui parsèment le récit… mais toutes ces petites approches originales ressemblent à des éléments d’un pastiche qui n’ose pas aller jusqu’au bout de son délire, trop soucieux de rendre également un hommage respectueux à un immense classique de la littérature. De plus, se baser sur la structure originale en neuf cercles en s’écartant de l’adaptation pure est un exercice narratif et scénaristique périlleux… qui ne nous sauve pas ici d’un certain ennui de lecture.
Marcel Ruijters est un artiste à découvrir, à suivre. Ses planches en noir et blanc sont appréciables à regarder, à lire par extraits, à défaut de réussir à constituer un livre abouti cette fois-ci.
Chronique par Jean Alinea