Editeur : Quai Voltaire / Folio
Nous sommes dans le Londres de la fin du XVIIIe siècle. La
famille Kellaway, pour des raisons familiales et économiques, a quitté son
Dorset natal (et son village au nom pittoresque de Piddletrenthide) pour la
capitale. De la vie rurale, de ses charmes et inconvénients, ils passent aux
ruelles et à la multitude, apprenant à cohabiter avec les ivrognes, les
prostituées et les escrocs. C’est avant tout les aventures du fils, Jem, et de
son amie Maggie, qui seront au centre du récit. Leurs aventures mais surtout
leur rencontre avec William Blake, ses œuvres, sa pensée et son rôle
dans le contexte politique et social de l’époque. En effet, la révolution
gronde en France et les Anglais craignent la remise en question de leur
monarchie en écho à l’instauration de la république.
Tissant à nouveau sa fiction autour de faits réels et de
figures célèbres, Tracy Chevalier propose ici un récit en demi-teinte,
qui ne parvient jamais vraiment à décoller ni à proposer une progression
dramatique suffisante pour convaincre autant qu’elle a pu le faire dans Prodigieuses créatures (roman moins remarqué, ce dernier était pourtant bien meilleur
que son best-seller La jeune fille à la perle*). Personnage suffisamment
mystérieux mais pas trop, William Blake est ici dépeint comme un artiste
vivant une temporalité et une réalité propres, penseur, défenseur de la veuve
et de l’orphelin, et poète mystique. En quelque sorte guide initiatique de Jem
et Maggie, il mettra l’accent sur sa réflexion quant aux opposés qui, selon lui
et en toutes circonstances, font toujours partie d’une seule et même chose. Ombre
et lumière, innocence et expérience. Tout être humain se situant dans l’espace
qui les réunit.
Vieil anglais et patois londonien au menu pour qui le lira
en version originale (dont le titre est Burning bright), voilà au moins de quoi rendre moins lisse et linéaire la
structure de ce livre. La plupart des personnages de ce roman sont caricaturaux
mais servent bien l’histoire, sans pour autant présenter des psychologies très
fouillées. La petite Maggie, avec sa gouaille, sa sensibilité et son
impertinence, sera peut-être l’élément touchant que l’on gardera en tête.
Divertissant avec ses quelques rebondissements mais sans
apporter d’élément réellement innovant, L’innocence se fera sans doute
oublier, laissant malgré tout derrière sa lecture une odeur de ville et de
boue, mêlée à cette pointe de fascination que produisent les œuvres de William
Blake.