Editeur : Grasset
Joan Didion est connue chez nous notamment grâce
à son livre L’année de la pensée magique
où elle relatait la mort brutale en 2003 de son mari, le scénariste John Gregory Dunne, œuvre qui lui valut
le National Book Award.
En
publiant et traduisant son premier roman, Une
saison de nuits (titre original Run,
River), paru initialement en 1963, Grasset offre un regard sur les prémices
d’une écriture résolument tournée vers l’âme de la société, vers ses recoins et
replis, analysant et scrutant les forces et faiblesses de personnages
intimement liés à leur époque.
Le
récit démarre sur un coup de feu, se termine sur un coup de feu. Et entre ces
deux épisodes, l’auteur entre dans l’intimité d’un couple, celui de Lily et Everett,
tous deux descendants des pionniers américains, ces propriétaires terriens
ambitieux, constructeurs de ranchs et d’un avenir prometteur. Mais les temps
ont changé, le monde évolue et c’est avec ça que doivent vivre Lily et Everett,
perdus et maladroits. Californie de la fin des années trente jusqu’à la fin des
années cinquante, pas loin de Sacramento. La guerre est une réalité pour
certains, une pensée virtuelle pour d’autres et chacun en fait ce qu’il peut
dans sa vie de tous les jours.
Long
flash back sur l’anatomie du couple, sur les trahisons, les égarements, l’adultère,
les désillusions, dans un langage parfois confus qui reflète en tous points l’état
d’esprit de ses personnages. Lily et ses amants, Everett et son sens de la
fuite, Martha, sa sœur, et son art de la névrose. Adaptés et désadaptés, tous
en souffrance. C’est une Amérique aux rêves essoufflés qui se révèle à travers
leurs histoires, à travers la trame sociale désemparée qui les relie.
Un
premier roman qui n’est certes pas parfait, équilibrant mal certaines longueurs
par rapport aux ellipses, suggérant les événements et sentiments avec parfois
un indéniable manque de clarté. Mais malgré cela, Joan Didion parvient à
transmettre cette atmosphère si particulière du Sud américain, à installer ce
contraste entre gravité et nonchalance, pesanteur et légèreté. Sensible aux
vibrations d’une société, elle l’était déjà, à moins de trente ans.
Chronique par Virginie