Forcément, un autocollant en couverture qui clame "Plus poétique que
le Petit Prince !", ça intrigue. Il fallait oser (?), quitte à ne pas être
crédible... eh bien les éditions Dargaud l'ont fait ! Mais passons
l'éponge sur ce grand moment de racolage marketing.
La couverture étant représentative, les atmosphères de Renaud Dillies
(Betty Blues, Mélodie au crépuscule, Bulles & Nacelle, Abélard)
sont ici plus lumineuses qu'à l'accoutumée, en plus d'être colorées.
"Elementaire, mon cher Pôlka, puisque nous sommes sous le soleil du
Mexique." dirait probablement Jiri - le personnage-cigogne au sombrero,
fumeur de pipe et joueur de cithare - qui partage son errance avec une
petite boule de poils marron à oreilles pointues et très attachée à sa
noix de coco. On sent l'auteur prendre un malin plaisir à compenser le
minimalisme du décor désertique par un travail d'enluminure : les
planches sont truffées de petits détails décoratifs, de cadrages
originaux et autres trouvailles graphiques cohérentes. L'inventivité
formelle de Dillies est donc à son comble, toujours au service de ce
mélange de poésie "jeunesse" et de blues qui lui est propre...
Mais c'est peut-être justement sur le plan du fond que l'auteur ne
parvient pas à se renouveler, ni à donner une direction à son scénario
absurde. Malgré le ravissement des yeux, les saynettes sont
ultra-répétitives. Dans un premier temps, on pourrait croire que c'est
pour nous rendre compatissants de la détresse des protagonistes, qui
sont perdus en zone aride, qui ont soif, qui font des rencontres
inutiles... mais le problème, c'est que l'auteur rend leur situation
inextricable. Et donc ennuyeuse et vaine au final.
Un très joli livre, offrant davantage de plaisir à consulter qu'à
lire. Une association du dessinateur avec un bon scénariste pourrait
carrément faire des merveilles.
Chronique par Jean Alinea