Voici le récit biographique en bande dessinée de Evelyn "Eve" Nesbit (1884-1967),
connue pour incarner la première "pin-up" du XXe siècle et être
protagoniste dans une sombre affaire qui allait constituer le premier
"procès du siècle" à New-York.
On découvre l'adolescente, joyeuse, insouciante,
rêvant de théâtre, très convoitée pour sa beauté... Un idéal féminin
que sa propre mère, veuve et démunie, ne tarde pas à exploiter. Cette
dernière loue les services de sa fille comme modèle à un peintre tout
d'abord, à des photographes de publicité ensuite, avant de chercher à la
pousser dans les bras d'un homme richissime. Stanford White, architecte
de grand renom, règnant en maître sur les soirées mondaines
tape-à-l'oeil, ferait l'affaire. Cet ogre épicurien et érotomane
proposera protection et achètera la virginité de Eve à sa maquerelle de
mère.
Quand la jeune femme s'éprendra ensuite de John Barrymore (avant que celui-ci ne devienne un acteur célèbre), elle devra mettre un terme à cette idylle. Sans cesse résignée aux décisions de sa
génitrice, victime d'une péritonite mal soignée, contrainte au mariage
avec un milliardaire fou et héroïnomane, Eve ne se doutera pas que le
point culminant et horrifique de ce "conte cruel de Manhattan" était
encore à venir.
L'ascension et la chute fulgurantes d'une icône
de la société de consommation sont donc racontées par séquences - pafois
anachroniques - dans ce roman graphique d'une bonne centaine de pages.
Avec un style tantôt léger, tantôt post-impressionniste et des couleurs (numériques) qui rappellent Toulouse-Lautrec, le
dessin de Nathalie Ferlut dépeint fort bien l'ambiance de la Belle
Epoque new-yorkaise.
Chronique par Jean Alinea