BD : Murena - T09 : Les épines

Auteurs : Dufaux et Delaby
Editeur : Dargaud


L'inauguration de la série de bandes dessinées Murena (en 1997), le film Gladiator (de Ridley Scott, en 2000), ou le feuilleton télévisé Rome (en 2005), tous pseudo-réalistes, violents, sexués, ont suscité un nouvel engouement du grand public pour le genre péplum. L'image littéraire classique et austère de la Rome Antique, qu'avait largement véhiculé un auteur-dessinateur comme Jacques Martin, a dès lors connu un joli coup de dépoussiérage, qui se poursuit aujourd'hui puisque même le destin d'Alix connaît un renouveau sous la plume de Valérie Mangin et les pinceaux de Thierry Demarez. Dans des genres moins réalistes mais non moins "adultes" et réussis, notons aussi Pour l'Empire de Vivès et Merwan, ainsi que La Lionne de Mattiussi et Hess.

Mais revenons-en à Murena. Jean Dufaux y a rassemblé tous des éléments historiques - connus ou moins - autour de la vie de Néron, et a usé de son imagination fertile pour remplir les "trous" de l’Histoire, y mêler de la fiction et nous offrir un récit aussi cohérent… que très cruel.

Après huit tomes qui constituent le premier véritable cycle de Murena (la division en cycles de quatre albums étant selon moi un argument marketing pour encourager les lecteurs potentiels), Les épines nous plongent dans la capitale encore sous le choc du grand incendie de l'an 64 qui l'a ravagée. Dans les arcanes du pouvoir, la petite "secte pacifique" des chrétiens semble constituer des coupables tout désignés pour apaiser la colère du peuple, les juifs bénéficiant de la protection de Poppée, la favorite de l'empereur. 

Le dessin de Philippe Delaby, de facture réaliste néoclassique, est toujours aussi au point. Je lui reproche cependant d'attribuer le même canon physique et physionomique à quasiment toutes ses femmes (un défaut d'une majorité de dessinateurs de BD). Stéréotypées aussi sont les scènes sensuelles, à rallonge dans ce tome-ci. Quant au beau héros, avec sa barbe naissante et ses cheveux un peu plus longs, il commence à me faire penser à Thorgal. Un autre changement notable se situe dans les teintes, plus contrastées, qui s'explique par un changement de coloriste, le surdoué Jérémy Petiqueux cédant la place à Sébastien Gérard.

Sans véritablement gâcher le plaisir, ce tome 9 me laisse sur une petite déception. Très bien documentée et passionnante, gageons que la série conserve la même rigueur que par le passé.

Chronique par Jean Alinea