Editeur : Casterman
Adaptation en bande dessinée du livre éponyme du lieutenant de police Bénédicte Desforges (disponible en poche chez J'ai Lu).
Flic. Le titre est pour le moins basique et sans imagination, mais possède cet avantage de ne mentir en rien sur le contenu : une succession de séquences présentant de vraies tranches de vie policière à Paris, avec ses devoirs et rituels, ses interventions, quelquefois ses bavures ; une vie à côtoyer victimes, toxicos, prostituées, travelos, malfaiteurs, quelquefois des cadavres. Pas de place à la fiction, que de la réalité brute, un portrait d’une profession malaimée.
"La fiction est une vitrine ingrate où le flic en uniforme n’est qu’un figurant. (…) Il fait le sale boulot, c’est vrai. Le flic a les mains sales de la crasse sociale. Il n’a pas de nom, mais un matricule. (…) Quand les pompiers arrivent quelque part, les gens disent « ouf » ! Quand les flics débarquent, ils disent "merde". (…) Les gens ont toujours bien aimé les histoires de flics. Mais les gens n’aiment pas les flics." Malgré la fierté que l’auteur porte à son métier, le ton des phrases est amer, cynique ou sans lumière.
Le graphisme de Séra va dans le même sens. Lui aussi se nourrit de "crasse sociale". Ses personnages semblent d’une froideur implacable et ce qui fait son originalité depuis ses débuts, c’est ce jeu sur le trait en positif / négatif. Les seules rares couleurs vives à ressortir de la grisaille et de la noirceur sont le jaune d’un phare et du rouge sang. Tout est réuni pour que vous passiez un moment de lecture sans sourire.
Flic est peut-être pour le dessinateur l’occasion de se documenter encore davantage, histoire de rendre ses futurs polars de fiction encore plus crédibles et déprimants* ?
Personnellement, je préfère de loin la façon d’aborder le quotidien policier dans RG, l’excellent diptyque signé Frederik Peeters et Pierre Dragon.
Chronique par Jean Alinea
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