Editeur : Delcourt
Osamu Tezuka a été surnommé "le Hergé japonais". Ils sont tous deux des créateurs de codes, l’un du manga moderne, l’autre de la BD européenne (quoique cet honneur doive revenir à Alain Saint-Ogan, mais c’est une autre histoire). La comparaison s’arrête là.
Tandis qu’Hergé approfondissait jusqu’à la maniaquerie un univers plutôt consensuel, moral et asexué, Tezuka développait une œuvre pléthorique (700 œuvres), polymorphe et, dans ses œuvres les plus personnelles, sans aucun tabou moral. Son exploration de la nature humaine, dans sa lumière comme dans sa noirceur, est si profonde qu’il serait plus jute de parler d’un "Balzac japonais".
Et de la noirceur, il y en a à revendre dans Demain les oiseaux. Cet album fut pré-publié entre 1971 et 1975 dans un magazine de SF sous le titre de Birdman anthology, puis du Système des super-oiseaux. Le titre utilisé pour cette présente réédition est sans doute le plus juste, puisque Tezuka avoue lui-même s’être inspiré du roman de Clifford D. Simak Demain les chiens.
Consternés par le comportement de l’espèce humaine, des démiurges extraterrestres décident de faire de la Terre un monde meilleur. Pour ce faire, ils poussent les oiseaux à prendre la tête de la chaîne alimentaire. En bâtissant leur civilisation, les oiseaux s’empressent de reproduire toutes les erreurs des humains.
Tezuka se sert de point de départ pour nous donner une série de fables reprenant quelques variations déjantées sur de grands mythes de l’humanité : Jésus, Roméo et Juliette, Spartacus, Geronimo, Eliot Ness… Pas rose, la vision de Tezuka dans cette farce dont le nihilisme n’est pas même contrebalancé par la rondeur de son dessin d’inspiration Disney. Même si Demain les oiseaux ne fait pas partie des œuvres les plus abouties de Tezuka, le lecteur se régalera de la multiplicité des thèmes abordés et d’une inventivité constante, sauvage et débridée.
Chronique par Geoffroy d'Ursel
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