Editeur : Glénat
Voici l’intégrale – au petit format et à petit prix - d’une œuvre restée inachevée du scénariste Sylvain Chomet, qui, ces dernières années, s’est principalement consacré - avec grand succès - à la réalisation de dessins animés : La vieille dame et les pigeons, Les Triplettes de Belleville ou L’illusionniste (d’après un script de Jacques Tati).
Les quatre albums du Pont dans la Vase (parus entre 1993 et 2003) représentent probablement le versant le plus politiquement incorrect de cet auteur, même si on lui devait aussi les chefs-d’œuvres de causticité que sont les Léon la Came (avec Nicolas de Crécy, chez Casterman).
Les quatre albums du Pont dans la Vase (parus entre 1993 et 2003) représentent probablement le versant le plus politiquement incorrect de cet auteur, même si on lui devait aussi les chefs-d’œuvres de causticité que sont les Léon la Came (avec Nicolas de Crécy, chez Casterman).
Aux côtés du dessinateur Hubert Chevillard, il a en effet imaginé un monde que la vase aurait complètement recouvert. Surplombant cette mélasse verdâtre, un nombre sans cesse croissant de ponts relient des villes hautes et autres sommets d’édifices. Un réseau incohérent, à l’image d’une organisation sociale décadente et des préceptes historico-scientifiques absurdes enseignés dans les hautes écoles. Les décors, malgré leurs couleurs ternies, sont souvent esthétiques et évoquent "la belle époque" et le début de l’ère industrielle, tout comme les costumes des personnages (quand ils ne sont pas carrément clownesques).
C’est dans ce contexte farfelu et satyrique que le lecteur suit le parcours rocambolesque de Camille Park, garçonne impétueuse, marginale et rebelle. Un récit onirique avec un fond de critique sociale, n’hésitant pas à flirter avec une certaine trivialité (voire même de la scatologie) par moments.
Bien qu’inaboutie, je recommande chaudement la lecture de cette bande dessinée surprenante, effrontée, qui ne ressemble à aucune autre* et que n’auraient probablement pas renié les surréalistes.
Chronique par Jean Alinea
* Les deux seules références comparables auxquelles je puisse penser sont nettement moins subversives : La Nef des fous de Turf, et Horologium de Fabrice Lebeault (deux belles séries parues chez Delcourt)