BD : Les lumières de la France - T01 : La comtesse Éponyme

Auteur : Joann Sfar
Editeur : Dargaud

(Pour "public averti")

Déjà, il y a le contraste entre la première de couverture, un peu chargée et volontairement kitsch, et les premières pages de l’album où l’on a la (fausse) impression d’être dans un ouvrage quelque peu sérieux et pédagogique. Instructif, ce premier tome des Lumières de la France l’est certainement, car il aborde, entre autres sous l’angle un peu lâche et improductif de la noblesse française, l’esclavagisme en Europe. Sérieux, par contre…

Fidèle à son habitude de laisser le récit le mener là où il aime s’égarer, Joann Sfar donne le premier rôle à Éponyme, comtesse délaissée par un mari auteur de pamphlets dont les actes ne suivent pas les idées (mais qui est toutefois prêt à se faire enfermer dans un coffre pour mieux comprendre la condition d’esclave). Sensuelle, à l’imaginaire débordant, Éponyme plonge dans ses fantasmes et ses désirs comme dans un bain chaud, et n’hésite pas à se montrer parfois violente et manipulatrice lorsqu’il s’agit de satisfaire son bon plaisir (notamment avec Oracio, le cuisinier italien). Pour confidente de ses rêves et angoisses, elle a à ses côtés Fragonarde, sa petite chienne tout aussi  sexuée, quoique moins épanouie, qui n’use jamais de la langue de bois.

A une époque où les philosophes étaient "à la mode", le questionnement éthique sur l’esclavage, grâce auquel nombreux enrichissaient leur fortune personnelle, est un sujet dense auquel Sfar a voulu faire une place. Et ce, tout en gardant un ton léger, lâché et drôle. 


E
n effet, dans un genre qui rejoint la série Le Minuscule Mousquetaire (à laquelle il fait un clin d’œil), ce premier tome des Lumières de la France est aussi un condensé de fantaisie, de libertinage et de richesse graphique. Fouillé, coloré, contrasté, il y en a pour le plaisir des yeux. Racontée dans un langage délicieux aux tournures pleines d’humour, de texture et d’arômes, l’histoire ne nous ennuie pas une minute.

On remercie aussi Sfar pour l’épilogue piquant, esquissé au crayon et à l’aquarelle, qui nous donne un petit bonus en attendant le tome suivant. 

Chronique par Virginie