ROMAN : Les monstres de Templeton

Auteur : Lauren Groff
Editeur : Plon



Les monstres de Templeton est un roman avant tout dédié à Cooperstown, ville de l’auteure mais aussi du célèbre écrivain James Fenimore Cooper. Comme ce dernier l’avait fait dans le premier volume de sa saga Leatherstocking, Les Pionniers (suivi par Le dernier des Mohicans), Lauren Groff prend des libertés avec la réalité historique et s’inspire des personnages de Fenimore Cooper pour créer son propre regard sur Cooperstown, devenue Templeton dans la fiction.

Willie Upton, jeune chercheuse en archéologie et maîtresse de son directeur de thèse, revient en pleine disgrâce dans sa ville natale pour y trouver refuge et rédemption. Dans son ventre, l’ombre d’une vie qu’elle appelle La Crevette et dans sa tête, une grosse tempête qui la met constamment à fleur de peau. Dans la maison familiale vit sa mère, Vi, ancienne hippie aujourd’hui grenouille de bénitier, avec qui les relations d’amour-haine ont l’absence du père comme charnière. Willie, qui s’était toujours crue le fruit d’un amour entre sa mère, l’alcool, la drogue et un inconnu, apprend qu’en réalité elle est ma fille d’un habitant de Templeton. Pour tout indice, sa mère lui confie que son géniteur est, comme elles-mêmes, un descendant de Marmaduke Temple, fondateur de la ville au XVIIIe siècle. Mais par contre, comme bon nombre, descendant illégitime. 

Parce que connaître l’identité du père ne suffit pas, parce la mère sait qu’il faut que la fille la découvre par elle-même, Vi lance Willie sans ménagement dans l’histoire des gens de Templeton. Et en s’y plongeant, Willie fait le chemin qu’il lui faut faire, remonte le long de ses propres racines. Se regarde en face, dans les eaux du lac Glimmerglass, où l’on a retrouvé le cadavre d’un monstre de seize mètres de long, le jour même de son retour. Et comme ce monstre placide et mystérieux est remonté à la surface de l’eau, l’histoire des anciens fait de même. Marmaduke, Elizabeth Temple, Charlotte Temple, Chingachgook, Natty Bumpo, Cora Munro, Hetty, Guvenor ou Cinnamon Averell. De ces voix figées par le temps qu’il faudra, elles aussi, prendre le temps d’écouter.

Empruntant certains personnages au roman de Fenimore Cooper, Lauren Groff nous transporte dans le temps et l’espace et structure son récit comme les branches entrecroisées de deux arbres : celui de l’histoire et celui de la fiction. Et c’est cet entrecroisement qui lui donne tout son intérêt et toute sa force. Son style s’adaptant aux époques et aux personnages, elle n’en fait pas un roman linéaire et lourd mais bien quelque chose d’énergique et dont la densité trouve le juste équilibre.

Ce n’est pas le personnage central qui tirera le plus son épingle du jeu mais bien toutes ces figures de l’ombre et ces âmes secondaires qui la construisent. Willie Upton aura au moins eu le mérite d’en être le point de jonction. 

Epatant pour un premier roman.

Chronique par Virginie