Taxi Molloy

Auteurs : Dimberton & Chabert
Editions : Bamboo (Grand Angle
)



Molloy, post-adolescent un peu benêt, est recueilli par sa richissime grand-mère après (tout de même) quelques années passées à l’orphelinat. Alors qu’il investit sa nouvelle demeure (la cabane à outils de la propriété), il ne rêve que de voitures et décide, avec l’approbation de son aïeule, de la profession qu’il embrassera dans l’avenir : celle de chauffeur de taxi.

Mais tout cela nous est expliqué en flash-back puisqu’on débute directement l’histoire à bord de son outil de travail jaune à bande noire et blanche qui apprivoise les rues d’un New-York très fifties. Et pour son coup d’essai, ce sera un coup de maître qui lui fera douter du réel but de sa vie : des clientes, blonde, rousse et brune sont les premières à inaugurer la banquette arrière de son engin, ce qui le fera revoir l’ordre de ses priorités : n’y aurait-il pas une mécanique plus subtile à dompter que les grosses cylindrées ? Le cœur de Molloy chavire et son intellect (un peu trop candide peut-être) se met à échafauder des plans où l’automobile n’est plus qu’un instrument destiné à d’autres conquêtes.

Excellente surprise que ce Taxi Molloy. Sa plus grande qualité résiderait dans son humour très peu usité en bande dessinée. Difficile d’expliquer sans risquer d’en dire trop puisque l’essentiel se trouve dans les surprises que nous assène François Dimberton.

Le légèrement attardé Molloy n’a jamais pu voir les évidences dans les intentions des personnages qu’il a croisés au cours de sa jeune existence. Et ce décalage entre la cruelle réalité et celle perçue par notre « héros » simplet est assez tordante quand les prémices de son périple dans les rues de New-York nous sont racontées !
Il fallait trouver le bon dosage pour nous faire rire avec autant de subtilité, ce que réussissent haut la main les auteurs, notamment grâce au physique du héros : un blond ahuri à la dentition très encombrante, ce qui nous plonge immédiatement « dans l’ambiance ».

Bon, évidemment, je pourrais dire en plus que le dessin d’Alexis Chabert est impeccable, parce que oui, il l’est. Mais l’adéquation entre histoire et dessin est tellement réussie dans cet album que j’arrive difficilement à le voir autrement que comme un tout parfaitement équilibré et abouti (bref comme une « Réussite » avec un grand r). Tout coupage-de-cheveux-en-quatre me paraît définitivement inutile : il suffit simplement de savourer son plaisir dans ces quelques pages où l’humour le plus noir nous est servi dans une enveloppe savoureusement naïve.

Chronique par Yves