Auteurs : Tardi, Grange, Legrand
Editeur : Casterman
New York mi Amor est un recueil de quatre histoires dessinées par Tardi et scénarisées par Dominique Grange et Benjamin Legrand. Elles sont parues originellement il y a environ trente ans dans (À Suivre) ou L’Echo des Savanes. Le tout est agrémenté de quelques textes courts des deux scénaristes en guise d’intercalaires.
Pour bien saisir l’album, on pourrait quasiment commencer par les dernières pages où Dominique Grange cite les films qui ont travaillé l’imaginaire des trois auteurs dans leur approche de New York. Taxi Driver, Midnight Cowboy, West Side Story et les autres, autant de films qui ont épinglé New York dans leurs fantasmes comme une ville mythique, indépassable, indémodable. C’était bien avant que les Experts Manhattan y courent les rues, avec ou sans hystérique folle de shopping. C’était bien avant les années yuppies ou le cataclysme de 2001. C’était le temps où les destins les plus infimes devenaient romanesques, où l’existence la plus merdique semblait devoir être racontée, juste parce qu’elle évoluait dans une cité qui semblait définitivement être un décor où toutes les destinées étaient extraordinaires.
Les histoires de New York mi Amor visaient donc cela à l’époque de leur publication : rendre hommage à une ville qui forgeait l’imaginaire collectif. Et force est de constater que le charme agit toujours aujourd’hui. Peut-être même plus qu’alors, après deux décennies où l’excitation du "tout est possible" été remplacée par l’horreur froide du calcul (mis au service de la spéculation ou de la destruction de masse, ou vice versa).Dans l’exercice casse-gueule des vies minuscules qu’on essaye de transcender, New York mi Amor est un recueil d’une grande qualité. Pas du genre de ceux qu’on publie à la va-vite pour racler les fonds de tiroir, ce qu’on pouvait craindre. Que ce soit en suivant les basques d’un tueur de cafards descendant malencontreusement de l’ascenseur au treizième étage (la nouvelle qui occupe la majeure partie du recueil) ou de la Vietnamienne immigrée qui cherche avec obstination une image du passé dans les rues, les destinées des personnages existent d’emblée en profondeur même si elles sont absurdes, voire insignifiantes.
Pour y réussir, Legrand, Grange et Tardi y mettent tout leur talent. Le trait de Tardi sert aussi bien les rues new-yorkaises que les rues de Paris, où on a plutôt l’habitude de le retrouver. Les immeubles impassibles enserrent les personnages. Les bars pouilleux, les hangars isolés restent indifférents aux destinées qui s’arrêtent brutalement. A peine quelques taches de couleur de-ci de-là qui permettent de passer par endroits dans le contrepoint onirique (réussi) des vies minuscules.
Et puis, Legrand et Grange excellent à inventer des histoires qui arrivent à être puissantes sur un espace réduit (mention spéciale à Le Meurtrier de Hung qui tape dans le mille en huit pages seulement), ce qui est déjà en soi un tour de force. De plus, leurs mini-nouvelles intercalées entre les planches achèvent de tirer vers le haut un recueil qui n’en avait pas besoin et nous convainquent définitivement que cet album a des qualités cinématographiques et littéraires indéniables, en plus de faire honneur au neuvième art.
Editeur : Casterman
New York mi Amor est un recueil de quatre histoires dessinées par Tardi et scénarisées par Dominique Grange et Benjamin Legrand. Elles sont parues originellement il y a environ trente ans dans (À Suivre) ou L’Echo des Savanes. Le tout est agrémenté de quelques textes courts des deux scénaristes en guise d’intercalaires.
Pour bien saisir l’album, on pourrait quasiment commencer par les dernières pages où Dominique Grange cite les films qui ont travaillé l’imaginaire des trois auteurs dans leur approche de New York. Taxi Driver, Midnight Cowboy, West Side Story et les autres, autant de films qui ont épinglé New York dans leurs fantasmes comme une ville mythique, indépassable, indémodable. C’était bien avant que les Experts Manhattan y courent les rues, avec ou sans hystérique folle de shopping. C’était bien avant les années yuppies ou le cataclysme de 2001. C’était le temps où les destins les plus infimes devenaient romanesques, où l’existence la plus merdique semblait devoir être racontée, juste parce qu’elle évoluait dans une cité qui semblait définitivement être un décor où toutes les destinées étaient extraordinaires.
Les histoires de New York mi Amor visaient donc cela à l’époque de leur publication : rendre hommage à une ville qui forgeait l’imaginaire collectif. Et force est de constater que le charme agit toujours aujourd’hui. Peut-être même plus qu’alors, après deux décennies où l’excitation du "tout est possible" été remplacée par l’horreur froide du calcul (mis au service de la spéculation ou de la destruction de masse, ou vice versa).Dans l’exercice casse-gueule des vies minuscules qu’on essaye de transcender, New York mi Amor est un recueil d’une grande qualité. Pas du genre de ceux qu’on publie à la va-vite pour racler les fonds de tiroir, ce qu’on pouvait craindre. Que ce soit en suivant les basques d’un tueur de cafards descendant malencontreusement de l’ascenseur au treizième étage (la nouvelle qui occupe la majeure partie du recueil) ou de la Vietnamienne immigrée qui cherche avec obstination une image du passé dans les rues, les destinées des personnages existent d’emblée en profondeur même si elles sont absurdes, voire insignifiantes.
Pour y réussir, Legrand, Grange et Tardi y mettent tout leur talent. Le trait de Tardi sert aussi bien les rues new-yorkaises que les rues de Paris, où on a plutôt l’habitude de le retrouver. Les immeubles impassibles enserrent les personnages. Les bars pouilleux, les hangars isolés restent indifférents aux destinées qui s’arrêtent brutalement. A peine quelques taches de couleur de-ci de-là qui permettent de passer par endroits dans le contrepoint onirique (réussi) des vies minuscules.
Et puis, Legrand et Grange excellent à inventer des histoires qui arrivent à être puissantes sur un espace réduit (mention spéciale à Le Meurtrier de Hung qui tape dans le mille en huit pages seulement), ce qui est déjà en soi un tour de force. De plus, leurs mini-nouvelles intercalées entre les planches achèvent de tirer vers le haut un recueil qui n’en avait pas besoin et nous convainquent définitivement que cet album a des qualités cinématographiques et littéraires indéniables, en plus de faire honneur au neuvième art.
Chronique par Yves