

Editeur : Plon
"Peu importe en quoi vous croyez, le fukú, lui, croit en vous."Le fukú, c’est cette malédiction qui vous colle aux basques de génération en génération, ce mauvais sort transmis par un gène toujours dominant, cette légende dominicaine qui n’a pas épargné la brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao.
Oscar est gros, a perdu tout le charme de son enfance dans une adolescence dégénérative, lit des livres de tacheron dans sa solitude d’intello extra-terrestre. Issu d’une famille dominicaine, Oscar a quelque chose en lui d’attaché aux racines, et, pourtant, il se crée à New York, sous une mère tyrannique et à côté de Lola, sœur fugueuse et rebelle.

Son histoire et ce fukú qui lui colle à la vie, c’est Yunior, ami, ex-colloc et aussi ex de Lola, qui les raconte. Dans le "slang" des quartiers hispaniques (traduit aussi justement que possible par Laurence Viallet, gageure incroyable !), on tente de suivre, on s’accroche quand les mots sont donnés en espagnol, on s’imprègne d’un monde qui délivre à la fois sa dynamique, sa verve, son amertume et sa fragilité. Un départ légèrement ardu mais combien cet effort de quelques pages en vaut la peine !
Par étapes dans l’histoire familiale, Junot Díaz s’empare avec allégresse d’une tragédie, d’un drame, d’une comédie, d’un conte, de tout à la fois.
La structure du roman est époustouflante, la tension progressive, l’humour, la palpabilité des personnages fascinants. On ne peut qu’admirer ce "nouveau roman" (nouveau dans le style, nouveau dans l’horizon littéraire américain) et, une fois n’est pas coutume en ce qui me concerne, louer l’attribution de ce prix Pulitzer amplement mérité.
Díaz ne se contente pas de matérialiser des anti-héros attachants, il nous livre une partie de l’Histoire, remettant un peu de lumière sur la Diaspora dominicaine et la sombre époque de la dictature de Trujillo.
Un roman qui lance, sur ce début 2009, un éclair de fulgurance.
Chronique par Virginie