Il commence sa carrière artistique comme marionnettiste ambulant avant de se lancer dans la pantomime. Il part pour la France à 24 ans, pour intégrer la compagnie de Marcel Marceau. Pendant cinq ans, gravissant les échelons un à un, il devient partenaire du célèbre mime dans ses spectacles autour du monde et il lui écrit des numéros mémorables tels que La Cage ou Le Faiseur de Masques. A la surprise générale, il quitte pourtant la compagnie du jour au lendemain… et ne la rejoindra à nouveau que quelques années plus tard.
En attendant, pour subsister, il travaille comme peintre en bâtiment, puis fait la connaissance de Maurice Chevalier, qui l’engage pour actualiser un spectacle.
En 1962, il crée avec Roland Topor et Fernando Arrabal un anti-mouvement artistique : le Panique (en hommage au dieu Pan), pied de nez insolent et rigolard à l'intransigeance du mouvement surréaliste, qu’il vise à dépasser.
Au milieu des années ’60, il s’établit au Mexique, où, en plus de la pantomime, il crée le théâtre d'avant-garde de Mexico. Il se permet peu à peu de réécrire des pièces, de les réinterpréter très librement.
Il poursuit sa démarche en portant l’une d’elles pour la première fois à l’écran : sa libre adaptation de Fando et Lis (d’Arrabal) est son premier long métrage, réalisé avec très peu de moyens… mais aux effets inversément proportionnels : Fando et Lis fait scandale et lui vaut même d'être banni.
C'est également au Mexique qu’il touche pour la première fois à la bande dessinée : il imagine le personnage d'Anibal 5 pour le dessinateur Manuel Moro (cette saga futuriste sera bien plus tard reprise avec Bess) et il réalise lui-même une planche hebdomadaire de Fabulas Panicas (Fables Paniques) pour le supplément culturel du quotidien El Heraldo.
Avec ses deux films suivants, Jodorowsky devient un cinéaste "culte". L’étrange western initiatique El Topo et la quête mystique de The Holy Mountain (produit par John Lennon et Yoko Ono) sont, au-delà de leur imagerie très psychédélique, empreints de profondes questions autour de la spiritualité, des relations dysfonctionnelles, de la marginalité, du sens de l'existence, de la violence, des perversités, etc. A revoir aussi avec les commentaires du réalisateur, pour les incroyables anecdotes mais aussi le décryptage du symbolisme, omniprésent dans sa production.
Au milieu des années ‘70, il revient en France, où il projette une transposition à l'écran de Dune, le chef-d'œuvre de Frank Herbert. Une équipe de dessinateurs est engagée pour concevoir les gigantesques décors : Mœbius, Giger – qui y trouve les bases de son style pour Alien -, ou encore Chris Foss. Dan O'Bannon (qui travaillera aussi plus tard sur Alien) est appelé pour les effets spéciaux. Non moins qu’Orson Welles, Salvador Dali et Pink Floyd devaient aussi être de la partie ! Mais la démesure du projet effraye les financiers, qui l’abandonnent. Le film sera finalement tourné par le jeune David Lynch, pour un résultat décevant.
Jodorowsky se lance ensuite comme scénariste de bande dessinée, selon ses dires "un art méprisé mais pas méprisable", avec la création de L’Incal pour Mœbius (dans Métal Hurlant, en 1980). S’ensuivront les séries originales et à succès que l’on connaît : Alef-Thau, Le Lama Blanc, La Caste des Méta-Barons, Avant l'Incal, Les Technopères, Face de Lune, Bouncer, Borgia…
Il poursuit parallèlement son œuvre de cinéaste (Tusk en 1980 - film raté qu'il refuse lui-même de voir réédité -, le magnifique Santa Sangre en 1989, The Rainbow Thief - réalisé sur commande - en 1990, et les autobiographiques La Danse de la Réalité en 2013 et Poésie sans fin en 2016) mais aussi de romancier, de poète, d’essayiste mystique, de thérapeute en métagénéalogie ; tire le Tarot de Marseille comme éclairage psychologique (non pour prédire l’avenir)…
Proteiforme et prolifique, donc.
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