BD : Agaguk

Auteurs : Thériault, Roy, Djian
Editeur : Adonis


C'est la ruée sur les classiques. Les bonnes idées semblent prendre plaisir à naître sous le chef de plusieurs personnes au même moment. Or donc, nous nous trouvons avec sur les bras (outre les adaptations de Molière par Simon Léturgie chez Vents d'Ouest) deux collections concurrentes de classiques de la littérature mondiale (essentiellement occidentale) : "Ex-Libris " chez Delcourt, et "Romans de toujours" chez un outsider de la BD, Adonis. Ce qui nous fera deux fois Le tour du monde en 80 jours, Oliver Twist, Robinson Crusoé, Le capitaine Fracasse... sans parler de l'inusable Ile au Trésor, déjà splendidement reprise par Pratt, puis surtout par Michel Faure.

D'un point de vue strictement bédéphilique le projet de Delcourt l'emporte de plusieurs têtes (meilleures adaptations, meilleure qualité d'impression, en plusieurs tomes si nécessaire). Ici, le but est simple : faire de la bonne BD.

Pourtant, le projet d'Adonis, mû par la Mission Sacrée de Sauvegarder le Patrimoine de l'Humanité, ne manque pas d'intérêt. Promu par l'Association pour la Sauvegarde et la Diffusion du Patrimoine Littéraire Mondial en collaboration avec le Lion's Club International (!!!), la collection se veut un véritable projet pédagogique. De prime abord, ça fait peur ! Surtout que la plupart des couvertures sont d'une laideur repoussante et fleurent bon l'amateurisme. Pourtant, à la lecture, certains de ces albums tiennent bon le cap. Qui plus est, outre un dossier pédagogique solidement étayé en fin d'album, les éditeurs ont eu l'excellente idée d'adjoindre, pour un prix abordable, un CD comprenant le texte intégral de l'oeuvre ET une une version audio complète. De quoi satisfaire à la fois les sourds et les aveugles. :-) (Désolé, c'était trop tentant, mais ironie à part, c'est très sympa).
 
 Tout cela donnera-t-il envie à nos Chères Têtes Blondes de passer des délices de la BD à ceux de la littérature ? C'est tout à fait possible. Au début des années 80, l'adaptation de Salammbô par Druillet avait bien donné le goût à toute une génération de se plonger dans l'incroyable chef d'oeuvre de Flaubert.

Venons-en, enfin à Agakuk (album malheureusement non accompagné de CD). C'est une excellente surprise. J'avais pris l'album du bout des doigts, et ce fut une découverte, celle de l'univers d'Yves Thériault, classique de la littérature québécoise méconnu sous nos longitudes.

Cet écrivain prolifique a dédié son oeuvre à la défense des minorités ethniques, esquimaude en particulier. Il est question de culture inuite, de survie dans le Grand Nord, de la confrontation avec les Blancs, de ruse... Une sorte de Jack London qui aurait pris fait et cause pour les autochtones. Le dessin d'Yvon Roy manque peut-être de
présence au premier coup d'oeil, mais sert parfaitement le récit. La couverture, épurée, est nettement plus regardable que celle de la plupart des titres de la collection. Au scénario, Djian (alias Jean-Blaise Mitildjian, qui joue un peu trop de la confusion avec Philippe Djian) donne des personnages solidement campés dans un récit fluide et prenant. Une bonne surprise, qui donne envie de découvrir les romans de Thiérault. Mission accomplie.

Chronique par Geoffroy d'Ursel