INTERVIEW d'ALEJANDRO JODOROWSKY - partie 1


"J'ai beaucoup de réponses. J'attends tes questions." Ainsi répondit avec beaucoup d'humour Alejandro Jodorowsky à Joachim Regout qui  s'apprêtait à l'interviewer.

Au travers de notre grand dossier, vous pourrez explorer diverses facettes de cet artiste protéiforme. Une carrière impressionnante, qui l'a amené à écrire des spectacles pour le regretté mime Marceau, à réaliser des films mythiques, à devenir thérapeute, maître du Tarot de Marseille, ou encore à devenir ce scénariste prolifique et incontournable de bandes dessinées (L'Incal, Le Lama Blanc, La Caste des Méta-Barons…)

Alejandro Jodorowsky a l'imagination toujours aussi foisonnante et aborder avec lui ses oeuvres de fiction s'accompagne inévitablement de réflexions existentielles :

Ces dernières années, tu sembles vouloir compléter certains de tes succès : la suite d'El Topo (Les enfants d'El Topo, qui n'a pour l'instant pas encore pu se concrétiser), ta série Alef-Thau connaît un rebondissement très réussi... et puis tu as carrément recommencé Après l'Incal en créant Final Incal ! C'est surprenant. En tant qu'artiste, il arrive souvent de se tromper sans pouvoir recommencer. Y a-t-il, hormis Après l'Incal, d'autres "erreurs" que tu voudrais ainsi rattraper dans ta bibliographie ?
Alejandro Jodorowsky : Une hirondelle seule ne fait pas un eté. Je me suis trompé seulement une fois. Je ne désire pas rattraper quoi que ce soit, car je connais le plaisir de l'extase de créer artistiquement : quand on est en extase ou en transe, l'erreur n'est pas possible. Tout se réalise dans une unité absolue du mental avec le temps et l'espace. On ne pense pas, on est pensé. Nous ne créons pas, nous recevons. Notre oeuvre a la même qualité que les rêves. On ne peut pas dire qu'il y ait des erreurs dans un rêve.

Dans l'ambitieux premier tome de Final
Incal, on retrouve, comme d'habitude dans cette série, l'abrutissement des foules par les médias, mais cette fois aussi une allégorie des enjeux écologiques, et la déshumanisation des sens. Vu que tu as un jour parlé d'art qui guérit en opposition de l'art qui empoisonne, est-ce que tu envisages de divulguer des clés de guérison dans ce dernier volet de la trilogie ?
Je ne divulgue pas de clés. C'est une erreur de penser que l'art doit transmettre des "messages". Le message doit se comprendre au travers du massage.

Du mAssage ???
Oui. Contrairement aux buts de la politique ou même de la philosophie, ce n’est pas celui de l’art de délivrer des mEssages. Le mEssage est un amoncellement de mots déduits d'autres mots. En art, il n’y a pas de mEssages à donner, mais bien un "mAssage". Le mAssage est la connaissance que donne l'expérience non-verbale. C’est une communication/description d’expériences qui se transmet. Mais quand il y a la volonté de délivrer dès le départ des mEssages, il y a un charlatan qui se croit artiste.