Auteurs : Jannin et Dal
Editeur : Fluide Glacial
Pour parfaire votre culture, sachez avant tout que le malaise vagal (ou syncope vaso-vagal s’il y a perte de connaissance) est dû à une activité excessive du nerf vague (ou pneumo-gastrique), lequel appartient au système nerveux parasympathique. Voilà voilà.
Tout ça pour vous dire que l’adjectif "parasympathique" s’adapte à merveille à cet album, collection de petites bassesses humaines au quotidien. Sympathique, mais pas trop.
Ils sont nombreux les contemplateurs de la mocheté, les collectionneurs de petites mesquineries. En littérature, on pourrait remonter à Balzac, ou tant qu’on y est à Esope. En bande dessinée, on remontera forcément moins loin : à Bretécher, grande prêtresse de la dépression créative, et à ses Frustrés, chef d’œuvre à ce jour indépassé, anthologie quasi-exhaustive de la nullité moyenne. C’est dans la prestigieuse lignée des Frustrés que s’inscrit le présent Malaise. Le dessin jeté de Frédéric Jannin (Germain et nous, Que du Bonheur !) correspond aux hachures de Bretécher, en plus rond et un peu plus précis. Avec peut-être un soupçon de Sempé, mais sans l’élégance. Quand au scénariste Gilles Dal, il était jusqu’ici journaliste et écrivain, et les titres de ses essais (La frustration reine, Loués soient nos téléviseurs ou encore Petit répertoire des lieux communs) trahissent une assez piètre opinion de l’espèce humaine.
C’est du côté du scénario que le bât blesse un petit peu. Si certaines planches sont d'une belle méchanceté, les attaques manquent un brin de variété, et parfois de puissance. Par exemple, les nombreuses discussions de couples, qui s’éternisent sur deux pages, relèvent toutes du même ressort : incompréhension forcée et mauvaise foi. Un petit effort, que diantre : il y a plus d’une manière d’être minable.
En fait, aimer ou pas ce genre d’album relève d’un choix plus philosophique qu’esthétique. Aussi, tant que je suis là à vous bassiner mon opinion, je m’en vais vous asséner un chouïa de philo perso (y a pas de raison que ce soit réservé aux autres). Je déteste ces catalogues de mesquineries, surtout s’ils ne laissent aucune place à la tendresse et à la compassion. Je n’ai pas besoin de ça pour savoir que certains comportements sont nuls à chier, ni même pour savoir que je suis capable de les avoir. Simplement, ça ne m’intéresse pas. Je ne sais plus qui a dit : "le pessimiste se rend compte tous les matins que le monde est moche ; l’optimiste a compris une fois pour toute", mais ce type a sa place au panthéon. Autre panthéonade mémorable : "L’optimiste est un imbécile heureux ; le pessimiste est un imbécile malheureux".
Enfin, chacun son truc.
Chronique par Geoffroy d'Ursel