Editeur : Futuropolis
Si je savais d’emblée que je n’allais pas retrouver la veine humoristique décalée de l’auteur (cf. les excellents Mish Mash ou encore Rancho Bravo), j’ignorais par contre que La beauté n’était pas une bande dessinée à proprement parler lorsque je déballai le cellophane.
La beauté est donc un livre d’images pour adultes. Pas un livre d’illustrations, non, car les dessins n’illustrent aucun texte… si ce n’est le concept du titre : la beauté. Aïe, un album conceptuel et esthétisant d’artiste qui se serait pris le chou ? Si les expérimentations plus audacieuses de Blutch ont parfois pu être jubilatoires (Péplum, Mitchum…), n'allaient-elles pas devenir trop présomptueuses ? Laissant cette crainte de côté, j’ai porté mon attention sur cette succession d’images, a priori sans lien entre elles mais aux étranges récurrences. Au point qu’elles m'ont progressivement happées, comme dans un rêve. Dans un autre mode de logique narrative.
En fait, Blutch nous entraîne au cœur de nos sensations, au cœur de l’inconscient collectif et individuel… bref, partout où se sont raccrochées les idées - vraies ou fausses / innées ou reçues – sur "la beauté". Dessin après dessin, des scènes naissent et s’échappent, pour quelquefois revenir, et surtout nous interpeller.
On ressent. Et on reprend conscience à quel point ce terme flou de "beauté" a souvent été détourné, vidé de son sens.
De la féminité à l’obsession. La beauté posée ; la beauté idéalisée ; beauté tyran ; beauté objetisée ; pervertie, torturée. Une convoitise. Une animalité. Un bout de viande à dévorer. Ou quelque chose d’éthéré à fantasmer.
Et cette formidable allégorie du volcan : la beauté comme un jaillissement brûlant au ciel… mais qui finit par se figer en une pierre de lave encombrante. Pierre que tout le monde s’obstine pourtant à vouloir posséder, attacher, toucher ou tout au moins regarder... alors qu’elle semble devenir davantage un fardeau à porter.
Le choix de l'esquisse s'accorde bien avec le thème, qui traduit une perpétuelle recherche. Imaginez une suite de croquis fouillés, dont l'esprit hériterait un peu de la période "bleue et rose" de Picasso, du tableau D'où venons nous? Que sommes nous? Où allons nous? de Gauguin, avec de possibles influences de Degas, Magritte, Bacon ou Giacometti aussi. Eh bien voilà, c’est un peu ça, La beauté, même si on décèle évidemment la patte pourtant très personnelle de Blutch dans ces traits charbonneux, noirs, rouges et bleus.
Un livre hors catégories, fascinant, à puissance hypnotique, à l'érotisme parfois perturbant. Un petit fil conducteur supplémentaire n’aurait pas été superflu... et en même temps, un fil ne prétendrait-il pas déjà commencer à faire le tour d'une question sans réponse ?
P.S.: dans le même genre de livres "à ressentir", je recommande aussi 40 days dans le désert B, le chef-d’œuvre le plus sous-estimé de Giraud-Moebius (chez Stardom).
Si je savais d’emblée que je n’allais pas retrouver la veine humoristique décalée de l’auteur (cf. les excellents Mish Mash ou encore Rancho Bravo), j’ignorais par contre que La beauté n’était pas une bande dessinée à proprement parler lorsque je déballai le cellophane.
La beauté est donc un livre d’images pour adultes. Pas un livre d’illustrations, non, car les dessins n’illustrent aucun texte… si ce n’est le concept du titre : la beauté. Aïe, un album conceptuel et esthétisant d’artiste qui se serait pris le chou ? Si les expérimentations plus audacieuses de Blutch ont parfois pu être jubilatoires (Péplum, Mitchum…), n'allaient-elles pas devenir trop présomptueuses ? Laissant cette crainte de côté, j’ai porté mon attention sur cette succession d’images, a priori sans lien entre elles mais aux étranges récurrences. Au point qu’elles m'ont progressivement happées, comme dans un rêve. Dans un autre mode de logique narrative.
En fait, Blutch nous entraîne au cœur de nos sensations, au cœur de l’inconscient collectif et individuel… bref, partout où se sont raccrochées les idées - vraies ou fausses / innées ou reçues – sur "la beauté". Dessin après dessin, des scènes naissent et s’échappent, pour quelquefois revenir, et surtout nous interpeller.
On ressent. Et on reprend conscience à quel point ce terme flou de "beauté" a souvent été détourné, vidé de son sens.
De la féminité à l’obsession. La beauté posée ; la beauté idéalisée ; beauté tyran ; beauté objetisée ; pervertie, torturée. Une convoitise. Une animalité. Un bout de viande à dévorer. Ou quelque chose d’éthéré à fantasmer.
Et cette formidable allégorie du volcan : la beauté comme un jaillissement brûlant au ciel… mais qui finit par se figer en une pierre de lave encombrante. Pierre que tout le monde s’obstine pourtant à vouloir posséder, attacher, toucher ou tout au moins regarder... alors qu’elle semble devenir davantage un fardeau à porter.
Le choix de l'esquisse s'accorde bien avec le thème, qui traduit une perpétuelle recherche. Imaginez une suite de croquis fouillés, dont l'esprit hériterait un peu de la période "bleue et rose" de Picasso, du tableau D'où venons nous? Que sommes nous? Où allons nous? de Gauguin, avec de possibles influences de Degas, Magritte, Bacon ou Giacometti aussi. Eh bien voilà, c’est un peu ça, La beauté, même si on décèle évidemment la patte pourtant très personnelle de Blutch dans ces traits charbonneux, noirs, rouges et bleus.
Un livre hors catégories, fascinant, à puissance hypnotique, à l'érotisme parfois perturbant. Un petit fil conducteur supplémentaire n’aurait pas été superflu... et en même temps, un fil ne prétendrait-il pas déjà commencer à faire le tour d'une question sans réponse ?
Chronique par Joachim Regout
P.S.: dans le même genre de livres "à ressentir", je recommande aussi 40 days dans le désert B, le chef-d’œuvre le plus sous-estimé de Giraud-Moebius (chez Stardom).