BD : Eléments de langage, cacophonie en Francophonie

Bertin Le blanc est un ancien journaliste à Télé-Québec, Radio-Canada, France 24 et TV5 Monde. Québéquois et installé en France depuis plusieurs années, il raconte ici un chapitre chaotique de sa vie professionnelle : celui où il fût porte-parole de la Secrétaire générale de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), Michaëlle Jean à l'époque.

L
ors de son arrivée à sa tête en 2014, l'OIF était une organisation ankylosée qu'elle va tenter de revivifier grâce à son dynamisme et sa capacité à fédérer autour d'elle. Première femme à avoir été gouverneur du Canada, elle entend alors peser pour en faire une entité diplomatique influente.

Si Michaëlle Jean est généreuse, engagée et croit aux gens et aux idées, elle est aussi extrêmement bavarde - il est parfois difficile d'en placer une, même pour Justin Trudeau, le 1er ministre canadien. Elle ne respecte pas non plus toujours les us et coutumes de la diplomatie. Elle agace donc autant qu'elle fascine. On lui reproche aussi des frais de rénovation exorbitants pour l'appartement qu'elle occupe à Paris.

Arrivée à l'heure de se représenter à sa succession, elle s'aperçoit qu'Emmanuel Macron, avec lequel elle vient d'avoir un entretien qui, pense-t-elle, s'est très bien passé, veut la débarquer pour imposer à sa place la rwandaise Louise Mushikiwabo. Le président français semble vouloir dans un même élan reprendre la main sur la Francophonie, régler les différents avec le Rwanda qui durent depuis la guerre fratricide de '94 et conforter la place de la France en Afrique.

Bertin Leblanc, bien aidé par la dessin vif, précis et sobre de Paul Gros - dont c'est la première BD - , raconte donc de l'intérieur comment, passée de l'enthousiasme à la déconvenue, l'équipe resserrée de la Canadienne va tenter de renverser une partie bien mal engagée.

N
e rien y connaître à l'OIF et à ses arcanes n'empêche absolument pas d'apprécier cette BD, qui ressemble parfois à un polar ou à un western. Avec une bonne dose d'humour et de franchise, on découvre les manœuvres de chaque camp pour parvenir à ses fins. On voit aussi des alliances se créer par pur intérêt, au nom de la realpolitique, au détriment de l'intérêt général ou celui de l'organisation et de la Francophonie. Choisir le Rwanda, dont le président Kagame n'est pas particulièrement porté sur les droits de l'Homme et où le français a été largement abandonné au profit de l'anglais, en est l'exemple le plus criant. On sent que Leblanc essaie de ne pas taper trop dur mais de quand même signifier toutes les bassesses et trahisons de ce monde sans pitié. Il lâche toutefois certaines bombes comme lorsqu'un personnage dit "Kagame est un psychopathe, c'est pour ça que lui et Macron s'entendent si bien". J'en ris encore...

Un livre passionnant comme tous ces livres qui parviennent à nous entrainer dans un sujet dont nous ignorions tout.


Chronique par Reynald Riclet

Eléments de langage, cacophonie en Francophonie
, de Bertin Leblanc et Paul Gros, est édité à La boîte à Bulles
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