ESSAIS : Barbarella, une space oddity / Astro Boy, cœur de fer

C'est avec plaisir qu’on voit se développer cette jolie petite collection de l'éditeur Les Impressions Nouvelles, intitulée La fabrique des héros, où des écrivains différents nous font voir notre époque par le prisme de personnages emblématiques de la pop-culture, constituant une sorte de mythologie moderne.



Les volumes consacrés à Nosferatu ou Batman sont de toute évidence les plus foisonnants de la collection jusqu’ici, puisqu’ils passaient en revue leurs nombreuses adaptations et interprétations. Mais cela n’enlève pas le mérite d’autres analyses. Deux nouvelles parutions, l’une consacrée à Barbarella, l’autre à Astro, viennent nous rappeler combien ces icônes de la science-fiction, d’environ 60 ans d’âge (!), font étonnement écho à notre actualité. 

Barbarella. Voilà bien une héroïne qui, dans les sixties, sortait des habituels clichés de la potiche (pin-up) ou de la vamp. Une anti-Wonderwoman aussi, car si cette dernière symboliserait plutôt le pouvoir, une soif de justice dénonciatrice et vengeresse, un retournement de rapport de domination, Barbarella incarne un tout autre type de puissance et de féminisme. Une puissance tout en affirmation et non mue par la condamnation et l’esprit guerrier. 

Si beaucoup de spectateurs restent marqués par l’incarnation cinématographique du personnage par Jane Fonda (dans le film de 1968, dirigé par Roger Vadim), on sent l’autrice Véronique Bergen vouer davantage d’admiration pour les BD originales par Jean-Claude Forest (dès 1964), moins "soft" et moins gentiment "kitsch". Elle présente l’héroïne comme un électron libre, défendant les parias et autres opprimés dans un esprit "peace and love", mettant son désir sexuel avant la loi et les tabous, avec un rapport hospitalier à l’autre (qu’il soit humain, extraterrestre, ange, cyborg…). Sans oublier déjà des préoccupations écologiques dans certaines aventures.



Le rapport à l’anéantissement d’un monde par le manque de conscience des adultes (2e Guerre mondiale, les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki…) a aussi toujours été au centre des réflexions d’Osamu Tezuka, l’inventeur du manga et créateur d’Astro Boy (Mighty Atom). Beaucoup d’entre nous - comme Nicolas Tellop, qui signe l’analyse - ont découvert le personnage avec le dessin animé dans les années 1980 en France, mais il apparaissait déjà sous forme de bande dessinée dès 1952 ! 

D’abord personnage secondaire destiné à être tourné en ridicule, le petit garçon-robot devint, à la demande de l’éditeur de Tezuka, le héros d’histoires courtes, devenant porteur de valeurs humanistes, contribuant à ériger un nouveau monde et vivant des récits parfois bouleversants. Rien que les origines du personnage sont émouvantes puisqu’il est la copie technologique d’un enfant mort. Créé pour compenser la tragédie, il sera rejeté parce que son état de robot ne parviendra pas à soulager l’inconsolable. A la base inspiré par Pinocchio, Tezuka lui attribue aussi des super-pouvoirs et en fait le lien entre l’humanité et la technologie. L’auteur se voyait investi du besoin de créer un modèle d’éthique pour inspirer les enfants à prendre leur vie et leurs rêves en mains.

Il est - entre autres - intéressant de lire combien, tant pour Barbarella que pour Astro Boy, même si les raisons en étaient bien évidemment différentes, la réaction des parents, des enseignants et/ou des censeurs furent virulentes lors des toutes premières parutions des aventures de ces personnages.


Chronique collective de la rédaction Asteline

N.B. : les illustrations contenues dans le présent article ne figurent pas dans les ouvrages mentionnés ci-dessus, composés de texte seulement.