BD : Arrêt de jeu

Le scénariste Matz signe ici un retour dans sa veine narrative qui le fît connaître du grand public avec la série Le Tueur, à savoir l’intrusion dans l'intimité et la psychologie d’un personnage, des monologues et dialogues cinglants et une intrigue polar au suspense bien dosé. Sauf qu’ici ce n’est plus d’un flingueur à gages dont il s’agit, mais d’un footballeur professionnel. Peu de choses me disposaient à lire cette BD puisque je ne suis pas friand de ballon rond et le dessin de Lem - bien que fluide - m’interpellait beaucoup moins que celui d’un Jacamon.


Je me suis pourtant laissé intriguer par le quotidien de ce sportif fictif, ses réflexions en lien avec les sponsors, le salaire jugé indécent, les médias, son rapport aux femmes, à la vie familiale... Et puis arrive l'engrenage vicieux qui l'entraîne dans les dérives du foot contemporain. De quoi me conforter dans mon aversion, mais un lecteur supporter pourrait par ailleurs apprécier cette histoire pour d'autres raisons.


Extraits : "Je ne parle pas des joueurs, Lucas. J’aime leur talent, leur endurance, leur force mentale, même si maintenant vous êtes des minets avec des coiffures à la con. Quand je parle de poissons rouges, je parle des spectateurs. Je veux dire que c’est devenu un spectacle, rien de plus, et c’est ce que je déteste. (…) Regarde les matchs importants : à chaque fois, il y a des erreurs d’arbitrage qui changent complètement le cours de la partie. En ligue des champions, on protège toujours les quatre ou cinq mêmes. Et quand ils n’y arrivent pas, l’arbitre les aide. En Espagne, c’est risible. Les arbitres font tout ce qu’ils peuvent pour aider le Real."


"Le patron de la FIFA, Havelange, était un copain du général Vidella. Deux bons fachos qui avaient d'autres priorités que l'équité sportive. Jette un oeil au match contre le Pérou. 1990, en finale, l'Argentine a été volée. 1998, le tirage... Disons que parfois, le hasard fait bien les choses... 
2002, n'en parlons pas. La Corée qui bat l'Italie et l'Espagne, le carton rouge de Totti, quelle blague ! Mais ça montre deux choses : primo, c'est vraiment facile de truquer les matchs. Deuzio, regarder les coupes du monde, c'est perdre son temps, un peu comme regarder du catch."

"Les télés vendent leur salade, les commentateurs et les "spécialistes" chauffent les foules, les politiques jouent la carte patriotique, on sort les drapeaux, on chante l'hymne national la main sur le coeur, on ne réfléchit plus, et pendant ce temps-là, certains s'en mettent plein les fouilles..."

One-shot, publié aux éditions Casterman

Chronique par Joachim