Auteurs : Jacamon et Matz Editeur : Casterman Toujours
pas décidé à changer de vie et à rester près des siens, le Tueur
ressasse sa philosophie désespérante et les données chiffrées qui
démontreraient combien ni la solidarité, ni la fraternité, ni l’égalité
n’existent (le dernier point étant assez incontestable) et combien la
justice humaine semble utopique, concluant son introduction par "Oui, la seule chose
devant laquelle nous sommes tous vraiment égaux, c’est la mort. Et c’est
très bien comme ça… N’importe qui peut tuer n’importe qui, et quand on
meurt, on n’emporte rien avec soi…"
Chaque album de la série
semble puiser sa source dans une synthèse fataliste d’articles de
journaux, de constats moroses, le scénariste accentuant la tonalité
pseudo-lucide ou cynique pour en faire un bon monologue du protagoniste.
Celui-ci est envoyé dans une nouvelle manigance meurtrière, bien sûr…
mais c’en est presque secondaire par rapport à ses réflexions
psychologiques. Derrière son flegme et sa santé de fer, le Tueur est un
cérébral qui a une vision du monde sur-argumentée qui excuserait presque
son mépris de toute "vie normale" et ses activités sinistres exercées
de sang froid. On sent toutefois derrière son cartésianisme et sa soif
d’indépendance le désespoir de l’handicapé émotionnel et du justicier
raté. C’est ce qui, selon moi, le rend touchant... mais aussi lassant au
bout de tant d’albums. Jacamon et Matz semblent l’avoir compris puisque
ce 3e cycle se clôt au bout de 3 et non 5 tomes.
Traqueur
discret mais aussi sans cesse traqué, c’est dans la réclusion totale et
la misanthropie assumée qu’il pensera trouver le répit entre deux bains
de sang. Quant au lecteur, le final le plongera dans un gouffre d’amertume… au cas où il vous en manquerait.
Je
garde de cette série noire l’excellent souvenir de son premier cycle
(même s’il jouait déjà un peu les prolongations), la suite m’étant
souvent apparue comme plus inégale (cf. aussi ma chronique à propos du T07).